« Il est très important de « penser l’Europe » sans se préoccuper des frontières géographiques. En cherchant au contraire à définir l’Europe comme un continent ouvert, dont le trait principal est le respect de la liberté. Le respect de l’individu – les droits de l’homme – et aussi le respect de l’économie de marché. Et le tout fait un ensemble ouvert, c’est-à-dire qu’un peuple, un pays, une société peuvent aspirer à adhérer à l’Europe à condition justement d’accepter cette définition européenne et de la réaliser. Je pense en particulier à la Russie. Pourquoi séparer la Russie de l’Europe ? En fait, je suis assez pessimiste, car je pense que des structures de longue durée sépareront longtemps la Russie de l’Europe. Mais, au XIXe siècle, l’ouverture vers l’Europe avait une importance capitale pour l’évolution interne de la Russie de l’époque. C’était une avancée vers l’Occident. Alors pourquoi ne pas introduire maintenant le critère défini plus haut ? Il y a en Russie ceux qui voudront s’ouvrir vers l’Europe des libertés – sociales, politiques, économiques – et ceux qui ne le voudront pas. Mais que ce choix reste ouvert ! »
(Georges Duby, Passions communes. Entretiens avec Philippe Sainteny)