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 De la perception de la Roumanie en Europe occidentale

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MessageSujet: De la perception de la Roumanie en Europe occidentale   De la perception de la Roumanie en Europe occidentale EmptyDim 4 Fév - 10:45

Citation :
Ne soyons ni hypocrites ni incorrects : l’image de la Roumanie, à l’heure actuelle, en Europe occidentale, est plutôt négative. Depuis les événements de 1989, exploités à grande échelle par les médias, la Roumanie est perçue comme le parent pauvre parmi les PECO (“Pays d’Europe Centrale et Orientale”), parce que les Occidentaux ne jugent plus qu’au travers des critères économiques. La seule vertu, pour cette démarche exclusivement “économiciste”, est devenue la possession de richesses matérielles, les seuls atouts, des faits purement comptables, comme la part du PIB per capita, etc.
L’Occident contemporain ignore totalement les valeurs littéraires, culturelles, artistiques qui font tout autant, sinon plus, la richesse d’un pays. Par ailleurs, à ceux qui nous reprocheraient de poser là un jugement exclusivement “immatériel”, idéaliste et abstrait, je dirais aussi que l’Occident a une perception trop comptable de la géographie européenne. Seuls comptent les chiffres, toujours changeants et éphémères, alors que la dimension géopolitique, hydrographique, écologique, relevant de faits immuables et incontournables, est tout aussi ignorée que les valeurs culturelles, en ce qui concerne les Balkans en général, la Roumanie en particulier. La mentalité “économiciste” fait oublier la force concrète des paysages, les continuités politiques ineffaçables qu’ils suscitent, qui ne se calculent pas, qui triomphent du temps et des modes passagères.

Mon propos, ici, sera de mettre l’accent sur deux atouts que la Roumanie peut jouer dans la dynamique européenne actuelle. Le premier de ces atouts est d’ordre culturel et littéraire: l’espace carpatho-dace est la matrice d’une culture originale, mixte de latinité linguistique, de spéculations audacieuses sur l’homme éternel et cosmique, rebelle à tout embrigadement idéologique moderne, à toute homologation universaliste, comme celle qu’entend faire advenir, pour les siècles des siècles, l’”économicisme’ dominant actuel. La Roumanie doit faire connaître sa littérature, la faire traduire, connaître et aimer en Occident. Le second atout est d’ordre géographique (et donc géopolitique). La Roumanie recèle, sur son territoire, la fin du cours du Danube, artère fluviale de l’Europe.

Revenons d’abord à la littérature. Dans l’espace linguistique francophone, des Roumains ont conquis des créneaux importants de la culture française contemporaine, avec des hommes comme Eugène Ionesco, Mircea Eliade ou Emil Cioran. Aujourd’hui, leur vision du monde et des hommes, incompatible avec le nouveau “fondamentalisme républicain” qui sévit sournoisement à Paris, qui est aussi et surtout une franche intolérance, est soumise à une critique injuste, qui accuse ces hommes d’avoir eu un passé “gardiste” et donc de véhiculer des pensées capables de subvertir de fond en comble le “rationalisme” républicain et, à terme, si la vigilance républicaine se relâche, de faire place à une nouvelle horreur politico-totalitaire, toutefois bien hypothétique. Mais la vision cosmique de l’homme, approfondie avec tant de brio par Eliade, relève d’une anthropologie antérieure à toutes les folies idéologiques modernes. Le pessimisme de Cioran est incompatible avec toute idéologie collectiviste totalitaire. Et Ionesco ne voit-il pas l’homme se muer en “rhinocéros” s’il écoute un naturalisme trop lapidaire? Dans le combat éternel pour la dignité de l’homme, pour le respect de ses créations personnelles, de sa personnalité inaliénable, des tréfonds de son âme liée au cosmos, la Roumanie littéraire a une mission capitale dans l’Europe d’aujourd’hui et de demain, qui, elle, risque à coup sûr l’assèchement technocratique, risque de périr à cause de l’inflation de l’esprit de calcul. Pour mener à bien cette mission, la Roumanie doit opposer, à ceux qui dénigrent sa philosophie et ses lettres, l’excellence de ses poètes, de ses philosophes et de ses anthropologues, pour qui l’homme reste ce qu’il est, le réceptacle de possibles innombrables qui ne demandent qu’à éclore.

Passons maintenant à la géopolitique. Le Danube est l’artère fluviale de l’Europe. Il la traverse quasiment de part en part, depuis ses sources dans la Forêt Noire souabe jusqu’à son delta. Le Danube est le fleuve unificateur de l’Europe. Les tribus celtiques, qui migreront jusqu’en Anatolie dans la haute antiquité, tenteront de l’unifier. L’Empire romain reprendra cette mission à son compte. Ensuite l’Empire austro-hongrois, notamment avec le Prince Eugène de Savoie. Si l’Europe, comme l’euro-technocratie sans mémoire et sans racines, ne pense pas le Danube comme un tout inséparable, elle courra à la catastrophe, car elle s’obstinera alors à raisonner de manière si abstraite qu’elle ne verra plus la force naturelle —et aussi nouménale— de la configuration hydrographique majeure de l’Europe. Toutes les coupures sur le cours du Danube ont été, pour l’Europe, des catastrophes, à commencer, chronologiquement parlant, par la présence ottomane dans les Balkans, visant, au fond, à unir le Danube, mais dans un sens géopolitique inverse. L’Europe n’est l’Europe que si le Danube est uni dans une vaste dynamique continentale, partant de son centre. Le Rideau de Fer, le bombardement en 1999 des ponts en Serbie, ont été des tentatives de maintenir une césure incapacitante en Europe, et cette césure, pour être efficace, ne peut se placer que sur le cours du Danube. Aujourd’hui, certains stratèges américains, proches du Président Bush, comme Robert Kagan, veulent absolument distinguer une “Nouvelle Europe”, qui leur serait favorable, d’une “Vieille Europe”, qui souhaiterait s’affranchir de la tutelle de Washington et de l’OTAN. Une fois de plus, la césure entre cette nouvelle et cette vieille Europe se place quelque part sur le Danube.

Les militaires américains parlent aujourd’hui d’évacuer l’Allemagne et le Japon pour stationner leurs troupes dans cette “Nouvelle Europe”, en Géorgie et en Asie centrale. Le risque, pour l’espace de la “Nouvelle Europe”, c’est d’être, le cas échéant, nucléarisé, en cas de conflit avec la Fédération de Russie, exactement comme le mouvement pacifiste allemand et européen des années 80 craignait de voir l’Europe vitrifiée en cas de choc frontal entre les deux blocs. La perestroïka et la glasnost ont fait naître des espoirs partout en Europe et en Russie: surtout l’espoir de ne plus voir se déclencher des guerres absurdes entre peuples frères en Europe. L’idéologie, qui se profile derrière cette dialectique fallacieuse entre “nouvelle” et “vieille” Europe, cherche à rendre caduques les espérances nées des initiatives de Gorbatchev. Le rôle de la Roumanie est de résoudre, de concert avec tous les autres Européens, la question danubienne, de se lier à tout l’amont du fleuve, dans la fraternité et la solidarité, par le biais des lettres et des humanités. La Roumanie est la porte de l’Europe sur l’espace maritime pontique, lié aux fleuves russes et ukrainiens, est le tremplin qui amène le souffle de l’Europe vers l’espace caucasien, et, par-delà, vers la Caspienne, en pleine mutation économique, et vers l’Iran. A nos yeux, avec ses penseurs et ses philosophes, elle doit servir de guide aux peuples de l’amont du Danube, pour qu’ils comprennent enfin —et sans arrière-pensées— quelles formidables dynamiques pourraient s’ouvrir à eux, au-delà du delta du plus grand fleuve du continent.

Robert Steuckers
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