Où est passée la gauche ?
Aux élections municipales partielles qui ont eu lieu ce premier mai 2008, la « gauche » britannique s’est effondrée. Avec ses 27% aux municipales de 2007, qui avaient montré une forte progression des nationalistes écossais, juste devant les 26% obtenus par les Libéraux-Démocrates, le Labour était déjà affaibli. Cette fois ci, il tombe à 24% en moyenne et est devancé par les LD qui obtiennent 25% des voix, alors que les conservateurs (Tories) obtiennent 44% des voix, ce qui laisse présager en cas de législatives anticipées une victoire écrasante de leur leader, David Cameron. Enfin, dans certains bastions du Labour, le British National Party connaît une progression significative, avec par exemple 31% des voix à Daventry. Mais, « cerise sur le gâteau », selon l’expression utilisée par la BBC, le Conservative Party a également pu s’emparer de la capitale, avec l’élection du leader londonien du parti, Boris Johnson, qui avec 42,5% des voix devance largement son adversaire, l’ex-gauchiste Ken Livingstone de plus de six points (36,28%), le candidat libéral (9,63%), les Verts (3,15%) et le BNP (droite nationale) qui obtient 2,84% des voix et même pour la première fois un siège.
Malgré la réélection de Zapatero en Espagne, un « socialiste » très libéral, d’une manière générale la « gauche » ne parvient plus à s’imposer. Au mieux, elle peut faire partie d’une grande coalition (comme aux Pays-Bas, en Allemagne et en Autriche). Au pire, elle est laminée comme on a pu le voir récemment en Italie, et plus récemment encore à Rome même où avec 53% des voix un candidat issu du MSI et d’Alleanza Nazionale, Gianni Alemanno, triomphe du maire sortant représentant le Parti Démocrate de Veltroni. Pour Dominique Reynié, répondant à une interview du Monde, on constate une « droitisation à l’échelle de l’Europe ».
Le cas français est paradoxal, puisqu’après la victoire de l’UMP aux présidentielles et aux législatives, la déception des électeurs aidant, la « gauche » française a pu aux dernières municipales connaître une embellie, conservant les grandes villes qu’elle possédait déjà (Paris, Lille, Lyon et Nantes), récupérant des villes passées à droite aux élections municipales précédentes (Strasbourg) et s’emparant enfin de bastions de la droite (Metz, Toulouse [ville de gauche qui votait jadis à droite aux municipales]). Marseille même est restée à droite de peu et la communauté urbaine a élu un président PS. Néanmoins, malgré cette déroute de l’UMP, le gouvernement restera très vraisemblablement en place jusqu’à 2012, laissant quatre ans au président Sarkozy pour se réconcilier électoralement avec les Français.
Comment expliquer cette droitisation, qui évidemment témoigne d’un alignement sur l’atlantisme et sur le libéralisme économique globalisé ? On a vu dans un autre article que l’électorat ouvrier était passé à droite et c’est l’une des raisons majeures de l’effondrement de la « gauche », qui n’a d’ailleurs de socialiste que le nom, de progressiste que l’image traditionnelle qui lui est associée. Ainsi, Manuel Valls propose que le PS français renonce à ce terme de « socialiste », ce qui au moins aurait le mérite de l’honnêteté. La « gauche » a depuis longtemps renoncé à s’opposer au globalisme libéral, et se propose uniquement de corriger en douceur les excès du libéralisme économique. A partir du moment où voter pour cette « gauche » aboutit à avoir la politique économique de la droite, mais avec le libertarisme et l’immigrationnisme en plus, l’électorat populaire préfère se réfugier dans l’abstention, dans le vote pour la droite ou l’extrême-droite, délaissant « gauche » et extrême-« gauche ». Cette dernière en Italie n’a pas pu atteindre les 4% synonymes d’élus, et se retrouve pour la première fois depuis 1946 exclu du parlement, communistes inclus.
Ségolène Royal dans le journal Marianne de cette semaine (3 au 9 mai 2008) nous dévoile sa conception « hautement démocratique » (sic) de la politique. Je lui rappelle que la démocratie, c’est le pouvoir du peuple, donc de l’opinion majoritaire. Pour elle, en revanche, il faut savoir dire non à l’opinion. Les Français en 1981 étaient favorables à la peine de mort, il fallait donc passer outre leur avis et imposer son abolition. Pour Ségolène Royal, prenant d’autres exemples, il faut imposer aux Français l’adhésion de la Turquie et faire accepter d’office la « France métissée ». Avec elle au pouvoir, nous n’aurions donc pas le choix, nous devrions nous soumettre à son avis « éclairé ». Ce régime rêvé par Madame Royal c’est l’oligarchie, et non la démocratie, et dans le cas présent un gouvernement de « sages » auto-proclamés. Et elle ose se prétendre socialiste et démocrate et donner des leçons à Nicolas Sarkozy en ce domaine… En clair, tant que la gauche sera défendue par des faux socialistes, le peuple se détournera d’elle, surtout les couches les plus populaires, comme on le constate en France, en Italie et au Royaume-Uni, et dans la plupart des pays d’Europe. Ainsi en Suisse, le premier parti ouvrier est le mouvement droitier et libéral UDC de Blocher. L’Allemagne semble échapper à cette situation, pour le moment, car même si la NPD récupère pour partie les voix de l’électorat ouvrier, ce dernier surtout en Allemagne de l’Est vote pour le mouvement Die Linke, « La Gauche », de Lafontaine et Gysi, parti qui affiche un socialisme qui ne paraît pas de façade, même si inapplicable puisque demeurant dans un cadre national par principe inadapté. Toutefois, la vision du socialisme selon Lafontaine est infiniment plus plaisante que celle de son co-président, pathétiquement nostalgique de la RDA, régime de sinistre mémoire.
Thomas FERRIER
Secrétaire Général du PSUNE