Ferrier Administrateur
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| Sujet: La gauche est morte, vive la gauche ! Lun 22 Sep - 18:17 | |
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- La gauche européenne va-t-elle disparaître ?
par Jean Quatremer
En 1997, 13 États membres, sur les 15 que comptait alors l’Union à l’époque, étaient gouvernés par des partis socialistes ou par des coalitions comptants des partis socialistes. En 2008, dans l’Europe à 27, seuls la Grande-Bretagne, l’Espagne, le Portugal, la Lituanie, la Bulgarie et la Hongrie sont dirigés par des socialistes. Ils sont en coalition au Luxembourg, en Belgique et aux Pays-Bas (mais minoritaires) et, en Allemagne et en Autriche, ils dirigent le pays avec les chrétiens-démocrates au sein d’une grande coalition. Enfin, il faut ajouter la Slovaquie, un cas particulier, les socialistes ayant fait alliance avec l’extrême droite. Le paysage s’annonce encore plus désolé dans les deux ans à venir : selon toutes probabilités, les socialistes vont perdre le pouvoir en Allemagne, en Hongrie, en Bulgarie et en Grande-Bretagne et leur sort est très incertain en Autriche où le parti socialiste a choisi la voix populiste. Les élections européennes de juin 2009 devraient confirmer cette évolution : les socialistes, qui ont perdu leur majorité relative au sein du Parlement européen depuis 1994, devraient encaisser une nouvelle claque et ce n’est pas la victoire des socialistes (ex-communistes) en Slovénie, ce soir, qui va inverser une tendance lourde.
L’apparition de partis d’extrême gauche – qui refusent toute alliance gouvernementale ou, s’ils l’acceptent, pratiquent une surenchère qui paralyse toute action — ne fait qu’empirer la situation de la gauche : en Allemagne, « Die Linke » va interdire pour longtemps le retour du SPD aux affaires. En France, le Nouveau parti anticapitaliste de Besancenot pourrait avoir le même effet sur le PS. Bref, la crise que traverse la gauche est historique, même si elle n’est pas mondiale comme le montre le triomphe des gauches en Amérique latine. Le débat entre l’Italien Fausto Bertinotti (l’un des fondateurs de Refondation communiste) et François Hollande, le patron du PS français, que j’ai animé samedi dans le cadre du Forum de Libération, a tenté d’apporter un éclairage sur ce déclin. Car, rien ne semble pouvoir l’enrayer : quelle que soit l’évolution de la gauche (social-démocratie, social populisme, social souverainisme, social-révolutionnaire, etc.), elle ne semble plus capable de répondre aux attentes des citoyens, du moins aux attentes d’une majorité de citoyens.
Pour Bertinotti, ce déclin est irréversible et historique : « la gauche risque vraiment son existence », juge-t-il. « On peut imaginer une Europe sans gauche : l’Europe vit une crise de civilisation, une révolution conservatrice ». « C’est une certaine gauche qui est défaite, une gauche historique : notre défaite ne relève pas de la mort du communisme réel, mais de la force du capitalisme en Europe. Désormais, la droite occupe tout l’espace politique », car elle pense à trois niveaux : « l’Europe, l’État, le local », à la différence de la gauche qui envisage « chacun de ces trois niveaux séparément ». Autrement dit, la gauche n’a pas su s’adapter à la nouvelle donne européenne et mondiale. Face à un monde qui change, sa réponse est trop souvent nationale, ce qui est largement insuffisant, alors que la droite est parfaitement à l’aise dans les trois dimensions de l’action politique.
François Hollande partage largement ce constat : « la gauche connaît une crise profonde en Europe depuis une décennie : elle n’est pas liée à une personne ou au jeu normal de l’alternance politique » : « il y a bien eu un décrochage entre la gauche et les citoyens, mais je ne pense pas que la gauche disparaîtra pour autant ». Pour lui, il y a trois raisons à ce déclin : « d’abord, cela tient au fait que l’on a imposé l’idée qu’il n’y avait qu’un seul monde, un seul système économique ». Ensuite, « la droite s’est restructurée » en s’appuyant sur « l’individualisation des rapports sociaux » et sur la remise en cause de l’État providence. « La droite n’est pas seulement libérale, elle est aussi autoritaire et populiste et donne à des sociétés déstructurées un modèle d’ordre ». Enfin, « la gauche est sans modèle de référence ». « Même en 1997, lorsque la gauche était majoritaire en Europe, il y avait en réalité plusieurs gauches ».
Le Premier secrétaire du PS reconnaît que la gauche n’arrive pas à se mouvoir dans l’espace européen. Et cela, pour une raison : elle ne peut se satisfaire de l’Europe telle qu’elle est : « elle n’est en rien une protection, elle n’est pas un espace démocratique », affirme-t-il. Pour lui, l’Europe doit être la nouvelle frontière de la gauche. Le retour au national ne peut être une réponse de gauche, « la droite étant aussi à l’aise dans l’Europe inachevée d’aujourd’hui que dans le cadre de l’État nation » comme le montre l’histoire du capitalisme. Mais, à la différence de Bertinotti, il veut croire que la gauche arrivera à se renouveler et survivra à son éclipse, car le monde entre dans une "nouvelle phase", avec la crise du capitalisme, la fin de l'administration Bush aux Etats-Unis et le retour aux valeurs collectives. Certes, mais on ne voit pour l'instant aucun réarmement idéologique de la gauche, notamment en France, celle-ci continuant à hésiter entre repli national et ouverture au monde, entre gestion et vulgate pseudo-révolutionnaire. | |
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