Les nouveaux jaunes.
Au début de l'industrialisation, on a connu les "briseurs de grève". Ils étaient légaux : indigènes d'une part et employés légalement de l'autre, à une époque où le code du travail n'existait pas. Evidemment les briseurs de grève faisaient, involontairement, le jeu des patrons; ils étaient là pour empêcher toute amélioration possible en fait de salaires ou de conditions de travail. Les travailleurs n'avaient donc aucune pitié envers eux.
Aujourd'hui on découvre, en France dans le BTP ou la restauration, un phénomène bien plus grave, celui des "briseurs du droit du travail". Ces derniers sont doublement illégaux. D'abord de façon tout à fait explicite, puisqu'ils sont installés illégalement sur le territoire. Ensuite, de façon plus subtile, étant donné que certains seraient engagés dans le respect formel des règles, l'administration et les employeurs manifestant dans cette affaire une étrange culpabilité; cependant les règles du travail n'assurent de réelle protection qu'à celui qui peut en revendiquer l'application; pas à celui qui est obligé de rester dans la clandestinité.
Ces nouveaux "briseurs" font bien plus le jeu des patrons que les anciens; non seulement ils ruinent tout espoir d'amélioration pour les travailleurs légaux, mais ils sapent les bases du droit, tirent les salaires et les conditions de travail de plus en plus vers le bas. Or que voit-on? Des syndicats et des partis de gauche les saluent. Et ils ne condamnent surtout pas leurs employeurs.
Pour les patrons, les nouveaux "briseurs" ont encore l'avantage sur les anciens de constituer un réservoir illimité. Ces derniers, à peine régularisés comme des syndicats et des partis de gauche le demandent, n'intéresseront plus les patrons. Certains soutiennent cette régularisation en apparence, mais dès que le projecteur ne sera plus sur eux, ils feront simplement appel à de nouveaux illégaux, abandonnant les anciens au chômage, par le jeu d'une faillite s'il le faut. Le mouvement ne peut aller qu'en s'accélérant au détriment des droits sociaux. Or des syndicats, comme des partis de gauche, applaudissent. Peut-être sont-ils à la recherche de nouveaux adhérents. En tout cas cela ne les gêne pas de se mettre résolument au service des patrons.
Tout cela, Eric Zemmour l'a très bien expliqué dans un débat de l'émission DailyMotion sur BFM, seul à dérouler une pensée structurée en face de quatre contradicteurs bien-pensants. On peut cependant aller plus loin. Il n'est même pas nécessaire de régulariser explicitement les illégaux. Il suffit que ces derniers puissent revendiquer au grand jour, faire grève ou manifester comme les autres, pour qu'ils n'intéressent déjà plus les patrons. Il suffit donc, par exemple, que des dispositions contraignantes, signées à l'insu du peuple par les dirigeants, interdisent les explusions collectives. Seule restriction à sa liberté d'action, un patron avisé ne choisira pas n'importe quel illégal, ou alors il en changera souvent. Il sera amené à privilégier celui qui aura le plus de peine à obtenir une éventuelle régularisation et qui pourra le moins facilement se montrer au grand jour, celui dont la présence sur le territoire sera, pour une raison quelconque, jugée particulièrement insupportable. On notera qu'un délinquant en cavale, qui n'aurait pas le milieu pour le protéger, serait aussi un bon candidat.
Certains pensent qu'il est indispensable de régulariser la situation de ceux qui ont montré, par le travail, leur "envie d'intégration". Cet argument est surprenant. Le voleur qui, en dérobant et conservant un bijou précieux, a montré son attachement au bijou en question, doit-il se le voir attribuer définitivement? Le dictateur qui s'est bien "intégré" dans sa fonction présidentielle, mais qu'un vote populaire malencontreux aurait prétendu vouloir chasser, doit-il être malgré tout régularisé dans le maintien dans ses fonctions, comme il le demande? Il est vrai qu'aujourd'hui un locataire illégal a pratiquement les mêmes droits qu'un autre. Pour qui donc est faite la loi?
D'autres vont plus loin dans le raisonnement. Tout contrat de travail vaudrait droit de séjour si on les écoutait. Voilà au moins qui est clair; on confierait directement aux patrons la politique de l'immigration. Mais que des syndicats ou des gens de gauche puissent approuver cette ligne est positivement renversant. Il n'y a pas si longtemps encore ils dénonçaient, avec détermination, la demande par les patrons de la constitution, dans chaque branche, d'un "vivier" de demandeurs d'emploi ; ils étaient dans leur rôle. Maintenant c'est toute la population de la planète qui pourrait alimenter ce vivier, sans la moindre contrainte. Et cela ne les gêne pas. On croit rêver.
Peter Eisner,
pour le PSUNE