Chroniques de l’Europe-Impuissance.
L’Union Européenne et les PECO.
Après l’échec du traité européen auto-proclamé « Constitution », mais que certains à Bruxelles voudraient voir reproposé en l’état, les « non » français et néerlandais suffisamment oubliés, l’Union Européenne connaît un nouveau désaveu en Europe Centrale avec la montée des nationalismes et surtout l’alliance inédite entre la gauche socialiste et certains mouvements nationalistes dans l’optique de s’opposer à une trop large libéralisation économique, comme cela a été récemment le cas en Slovaquie, avec l’alliance du parti social-démocrate et du SNS nationaliste, alliance qui a scandalisé au plus haut point les sociaux-démocrates occidentaux, ou encore en Pologne, avec la coalition au pouvoir formée de la gauche populiste Samobrona, de l’ultra-droitière Ligue des Familles et du Parti Conservateur (PiS).
A ce propos, le binôme formé par les frères Kaczinski a fait parler de lui en proposant de lancer une campagne en Pologne sur la thématique de la peine de mort, considérée par les institutions de l’Union comme rétrograde et choquante, alors qu’elle ne semble pas en revanche déranger les Etats-Unis. Cette question pose un problème de fond, au-delà de l’opinion que l’on peut avoir sur cette thématique, et qui en dernier ressort devrait relever d’un choix démocratique. Elle relance la question des futures institutions européennes. Le président Kaczinski évoque le cas américain, un système fédéral où la question de la peine de mort relève des compétences des états. Il oppose donc une Europe des Etats à l’idée d’Europe unitaire. Le manque de transparence démocratique de l’Union Européenne, le fait de partir de postulats dogmatiques, non confirmés ou infirmés par le(s) peuple(s), se voient mis à nouveau en avant.
Parce que l’Union Européenne est fondée sur des traités entre états et non sur un assentiment populaire librement consenti, elle apparaît comme non-démocratique et favorise donc l’émergence des extrémistes, surtout dans des pays qui ont subi le joug communiste il n’y a pas si longtemps et qui aujourd’hui admirent bien davantage le modèle américain qu’un modèle européen qui se cherche. Si une Europe unitaire doit émerger, et c’est notre souhait le plus sincère, elle ne peut le faire que selon une logique purement démocratique.
L’immigration, un sujet d’actualité.
Depuis quelques semaines, le sujet de l’immigration en Europe est réapparu sur les media. Et chacun de proposer ses solutions, entre ceux qui prônent le contrôle de l’immigration et ceux qui s’opposent à toutes restrictions. Le vert Jean-Luc Bennhamias, dans le Figaro du 10 août, considère que le « blocage des flux migratoires est une utopie », opinion qu’il semble partager avec le député FN Jean-Claude Martinez qui déclare le lendemain que « même si on érigeait des murs (…), ils seraient franchis ». A cette analyse s’opposent celle de Nicolas Sarkozy, qui prône une immigration choisie dont on voit mal comment elle pourrait être réellement mise en œuvre, ou celle de Philippe de Villiers, défenseur comme l’extrême-droite dont il vise l’électorat, qui parle d’une « immigration zéro ». Bennhamias propose comme remède « la régularisation massive (des clandestins) tous les cinq ans ». Il semble avoir été écouté par le nouveau gouvernement italien de Romano Prodi, puisque ce dernier envisage la régularisation de près de 600.000 immigrés clandestins présents en Italie, et propose également d’instaurer le droit du sol, qui pourrait permettre l’accès à la nationalité italienne à 1.5 millions d’immigrés.
La régularisation des sans-papiers semble en effet très « efficace » en Espagne. Après avoir régularisé 700.000 clandestins, le premier ministre espagnol Zapatero est confronté depuis le début de l’année à un afflux massif d’immigrants africains. Ceux-ci ont d’abord tenté leur chance en passant par Ceuta et Melilla, deux enclaves espagnoles en terre africaine, puis désormais par les Canaries. Il y aurait eu depuis janvier 2006 près de 16.000 clandestins à parvenir jusqu’à elles, certains ayant en revanche connu un sort tragique pendant la traversée. D’autres, probablement via la Lybie, tentent leur chance en direction de l’Italie, débarquant notamment sur l’île italienne de Lampedusa, à un peu plus de cent kilomètres des côtes tunisiennes. En 2005, 1800 immigrés clandestins avaient pu également accéder à l’Union Européenne en passant par Malte.
La question n'est pas de savoir si l'Union Européenne peut ou ne peut pas s'opposer à ces flux migratoires mais de savoir déjà si elle le veut ou ne le veut pas. Doit-on croire à une solution plus répressive, du moins en paroles, comme celle proposée par Sarkozy ? En fait, les dirigeants européens ne le souhaitent pas réellement, même s’ils disent parfois le contraire de peur d’encourager une montée de l’extrémisme de droite, qu’il n’y a aucune politique européenne globale sur cette question, et que surtout des populations immigrées ne viendraient pas en Europe, parfois au péril de leur vie, si elles n’avaient rien à y gagner. Ainsi, on peut se demander si ces flux migratoires ne sont pas essentiellement dues à un véritable appel d’air. Comme par ailleurs tous les analystes nous expliquent que l’Europe a besoin d’immigration pour pallier au déficit des naissances, on peut douter de la volonté réelle des autorités en ce domaine à la réguler.
La géopolitique européenne au Moyen-Orient.
Depuis plusieurs mois, le Moyen-Orient vit une situation très difficile, avec le renforcement de la mouvance islamiste en Palestine (Hamas) et au Liban (Hezbollah), ce qui a amené Israël à reprendre une logique d’affrontement, au grand dam de la communauté internationale. Si les Etats-Unis soutiennent, discrètement, Israël, et si les pays musulmans, au premier rang duquel l’Iran, soutiennent le Liban, et si la Russie a adopté une position médiane, l’Europe est bien absente. La France, supposée libanophile, a été incapable notamment de faire entendre sa voix au sein de l’Union Européenne, sans aucun soutien par ailleurs de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, et elle a connu un second désaveu avec la fin de l’embargo diplomatique européen de la Syrie que Paris défendait après l’assassinat d’Hariri.
Un autre problème et de taille est l’Iran, qui aspire au nucléaire civil, ce qui est légitime, et dont on craint qu’il aspire aussi au nucléaire militaire, ce qui l’est moins, d’autant plus que la confiance envers le régime durci du nouveau président iranien est assez logiquement médiocre, compte tenu des déclarations bellicistes de ce dernier. Par ailleurs, les échecs des Etats-Unis à maintenir la paix en Afghanistan et en Irak renforcent l’arrogance des dirigeants de la république islamique voisine, qui ne semblent pas craindre une éventuelle intervention de Washington, voire qui la souhaitent pour renforcer leur assise sur le pays. Ainsi, sur le sujet du nucléaire iranien, l’Europe occidentale et centrale semble suivre servilement les Etats-Unis, au lieu d’adopter avec la Russie une position médiane, une troisième voie qui pourrait sans doute être davantage payante, puisque l’on constate les limites évidentes de la géopolitique américaine. Par ailleurs, le terrorisme islamique ne semble pas régresser, comme l’ont prouvé les derniers évènements en Grande-Bretagne, même s’il a pour cette fois avorté. Quand on soutient la mondialisation économique, on soutient de fait son volet politique et en conséquence la mondialisation des problèmes. Le moindre conflit régional prend ainsi d’énormes proportions.
En somme, nous sommes toujours aussi éloignés de l’Europe-Puissance à laquelle nous aspirons, et en grande partie, non par une terrible fatalité, mais avant tout par l’incapacité des dirigeants de l’Union Européenne et des états la composant, par leur absence de vision d’ensemble des problèmes, par leur conformisme enfin, et cela est aussi vrai de la « gauche » officielle que de la droite, sans parler des extrêmes. Une nouvelle force politique, originale quant à ses solutions et déterminée à agir, est plus que jamais nécessaire à la vieille Europe.
Thomas Ferrier
Secrétaire Général du PSUNE