De l’industrie à la Russie, une semaine europhobe de plus.
26 juin 2006
Après cinq mois de suspense, et après de nombreuses protestations que l’on croyait sincères de la part des administrateurs de l’entreprise européenne d’acier, le groupe Arcelor va finalement fusionner avec l’entreprise Mittal Steel, qui avait préalablement lancé une opération de rachat hostile. On avait pu espérer une fusion avec le groupe russe de l’acier Severstal (« acier du nord ») mais officiellement une fronde des actionnaires y aurait mis fin. En fait, les dirigeants d’Arcelor voulaient simplement faire monter les prix et en effet l’action est passée de 20€ à 35€ environ. Il va de soi que seront gagnants les actionnaires d’une part et le groupe Mittal Steel d’autre part. Seront en revanche probablement perdants les employés européens d'Arcelor, l'avenir devrait nous le confirmer, et plus généralement l'Europe elle-même. Ce que l’on nous présente désormais sous le nom d’Arcelor-Mittal sera nous dit-on la première entreprise mondiale de l’acier. Appelons ce groupe du terme qu’il convient, un trust.
L’industriel français Pinault, ami du président français de la république, avait préalablement fortement soutenu cette fusion, regrettant des frigidités quasi racistes de la part d’Arcelor et mettant en garde contre la fusion avec le groupe russe, craignant que Vladimir Poutine puisse peser sur les destinées de la sidérurgie européenne. Ce propos russophobe en dit long sur l’aveuglement idéologique des élites industrielles d’Europe occidentale. Pinault, qui pourtant prône officiellement le protectionnisme économique à la française, ne semble pas motivé par l’idée du pourtant indispensable à nos yeux protectionnisme économique européen, ce en quoi il ne se distingue en rien des institutions bruxelloises qui, elles non plus, n’entendaient pas faire barrière à cette OPA menée par le président de Mittal Steel, le milliardaire indien Lakshmi Mittal, qui vit essentiellement en Grande-Bretagne. En revanche, les Etats-Unis n’ont aucun problème « moral » pour protéger leurs entreprises et pour pratiquer un impitoyable patriotisme économique américain quand le gouvernement fédéral estime les intérêts vitaux du pays en danger.
Au lieu d’œuvrer à la construction d’une entreprise européenne de l’acier, Bruxelles préfère donc qu’un milliardaire indien prenne un rôle prépondérant au sein d’Arcelor (43%), plutôt qu’à un investisseur russe. Ce rejet de la Russie exprimé dans cette affaire n’est que la transposition dans le domaine économique des pressions américaines sur la Russie de Poutine. A l’ouest, la politique d’encerclement menée par la stratégie américaine a bien résisté en Ukraine, puisque le président ukrainien Ioutchenko a réussi à créer une nouvelle majorité issue de la dite « révolution orange » et souhaite, ainsi que sa future premier ministre Ioulia Timochenko, faire adhérer l’Ukraine le plus vite possible à l’OTAN, organisation dont on rappelle qu’à l’origine elle était destinée à protéger l’Europe occidentale contre des vélléités expansionnistes de l’ancien bloc soviétique. L’OTAN sert désormais d’antichambre à l’Union Européenne, alors que celle-ci devrait en être totalement indépendante à tous niveaux. Ajoutons à cela que la crise tchétchène ne semble pas se résorber puisque les indépendantistes menacent d’étendre le conflit à l’Ingouchie voisine et à s’en prendre aux citoyens russes. Parallèlement, l’Union Européenne et les Etats-Unis mettent en garde la Russie contre ce qu’ils appellent une « dérive ». Au lieu de tendre une main fraternelle à la Russie, l’Union Européenne préfère une fois de plus s’aligner sur la politique américaine et/ou sur le mondialisme économique.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE