olivier carbone Consul
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| Sujet: A propos des transports, de l'urbanisme... Sam 9 Fév - 14:22 | |
| Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme CERTU - Citation :
- Jean-Marie Guidez est l’un des meilleurs spécialistes des déplacements des Français. Depuis 1971, il étudie au Certu comment notre vie quotidienne s’organise autour des transports, mécanisés ou non. Rédacteur en chef du bulletin Trans Flash, il nous a longuement reçu dans son bureau lyonnais, où il rédige de nombreux travaux de référence, souvent avec Marie-Odile Gascon.
Comment les Français se déplacent-ils pour aller travailler ? J-M. G. : « En valeur relative, les déplacements domicile-travail ne sont pas ceux qui se développent le plus depuis quelques décennies. Au contraire, puisque ce sont les déplacements "autres motifs" (loisirs, courses, démarches, visites) qui se développent de plus en plus puisqu’on est dans une société de loisirs, les gens sont en retraite relativement tôt, etc. En plus, depuis quelques décennies, Paris mis à part, on est passé de 4 déplacements domicile-travail à 2, parce que les gens ne rentrent plus déjeuner chez eux, parce que c’est trop loin, parce qu’il y a une cantine, etc. En chiffres, par exemple en 1982, les déplacements pour aller à un travail fixe représentaient 32% des déplacements et 12 ans après, ils en représentent un quart. Depuis 1994, et c’est bien dommage, il n'y a pas eu d’enquête nationale mais je pense que cela a dû baisser encore un petit peu. »
La voiture demeure-t-elle notre principal moyen de transport ? J-M. G. : « Les évolutions pour le motif travail sont assez redoutablement les mêmes que pour le reste. De plus en plus de gens vont travailler en voiture et elle se développe presque partout en France. Sa part de marché ne cesse d’augmenter (entre 85 et 90%). Alors, c’est un peu un paradoxe à côté du discours politiquement correct d’aujourd’hui, et il ne date pas d’aujourd’hui, sur les plans de déplacements urbains, etc. On dit qu'il serait bon de limiter son usage et presque partout c’est le contraire qui se produit. Et on parle très peu du chiffre très important du taux d’occupation des voitures. Un taux qui n’arrête pas de baisser. Je crois qu’actuellement le taux moyen est de 1,1, donc pour aller vite on peut dire que les gens vont travailler tout seul dans leur voiture et quiconque à Paris ou à Lyon le voit bien le matin ou le soir. On parle de covoiturage et de fait c’est le contraire qui se passe pour des raisons d’indépendance. Dieu merci, certaines villes, comme Grenoble, où il y a une politique suivie dans la durée ont des résultats extrêmement probants. »
Pensez-vous que nos mentalités et nos comportements peuvent changer ? J-M. G. : « Dans les têtes, les choses évoluent. C’est assez évident, on le voit dans les sondages d’opinion, parce qu’il y a une sensibilité à l’environnement, aux modes de vie, etc. Honnêtement, le passage à l’acte est un peu plus difficile, même s’il s’est fait à Nantes, Paris et autres. Disons que le Français, même quand au fond de sa tête il sait que quelque chose est bien, il a besoin qu’on l’aide. Je prends toujours deux exemples : la ceinture de sécurité et l’alcool au volant. Dans la durée, avec un peu de répression et beaucoup de pédagogie, les choses ont changé. Il n’est pas question d’interdire les voitures en ville. La voiture est un sujet français par excellence. Tout le monde a un avis et si on arrive bille en tête, c’est la guerre de religions : les pros voiture contre les antis et on arrive à rien, chacun se crispe sur ses positions. Et si on veut dépasser les effets de mode, il faut que les actions politiques soient pérennes, ça se joue sur 10, 20, 30 ans. Il faut dépasser les impopularités transitoires et tenir dans la durée. Sans oublier le respect des valeurs collectives. C’est bizarre, y’a des pays ou des régions comme à l’Est de la France, où quand y’a une loi, on l’applique. Strasbourg est championne de France du vélo et il n’y fait pas un climat extrêmement sympathique ! »
Vous citez des villes mythiques à l’étranger J-M. G. : « Je dis souvent : la France, rendez-vous, vous êtes cernés ! Parce qu’on est entouré de pays qui sont en avance sur nous. Alors, le hit parade des villes. Y’a en Allemagne Fribourg, qui depuis très longtemps fait du transport collectif, de l’urbanisme adapté. Y’a Amsterdam, ses mers de vélos et ses tramways dans tous les sens. Aussi en Suisse, Berne et Zurich, sans doute champions en Europe et puis tous les pays nordiques sont quand même très en avance. Avec encore une fois, le respect des valeurs collectives, pour le stationnement ou le piéton. Un lieu commun affirme que plus on se rapproche de la Méditerranée, pire c’est. Pourtant, même les Italiens et les Espagnols font mieux que nous en courage politique. De Florence à Rome, en passant par Ferrare, Parme ou Bologne, qui ferment leurs centres historiques à la voiture de manière bien plus drastique. En Espagne, Madrid et Barcelone ont des efforts d’investissements assez fantastiques dans les transports en commun. »
Enfin, vous insistez sur l’importance de l’urbanisme ? J-M. G. : « Il y a une sorte de malédiction française par rapport à la densité urbaine ou autres. Y’a des colloques depuis 30 ans qui disent qu’il faudrait étudier l’interface urbanisme/transports et l’améliorer, et pas grand-chose ne change. Au contraire, regardez la construction de cinémas multiplexes en périphérie, inaccessibles sans voitures. En France, on n’est pas capable d’urbaniser de manière un peu dense ou autour d’axes de transports en commun parce que liberté, parce que la propriété à laquelle le Français serait plus sensible, la maison individuelle, etc. Regardez à l’étranger, c’est pas des papous, c’est juste à côté. Exemple : la bombe atomique des permis de construire. Chez nous, on peut construire partout, sauf où c’est interdit. En Allemagne, nulle part, sauf là où c’est autorisé ! A Fribourg, dans le plan d’urbanisme, on dit vous pouvez construire là d’ici 20 ans et comme par hasard, c’est là qu’on est en train de faire une ligne de tram. Y’a un quartier, ils ont même fait le tramway avant les immeubles ! Et quand on voit les augmentations des prix du foncier, à Paris ou à Lyon, ça ne risque pas de s’arranger. Les Français sont les rois de la réaction dos au mur. Et deux phénomènes vont, comme au niveau mondial, les calmer : l’effet de serre et le réchauffement climatique, et les réserves pétrolières. Ca risque quand même de faire changer les choses. Sans compter la demande pétrolière en Chine, en Inde et dans les pays émergents qui ne cesse d’augmenter. Je ne vois pas de quel droit moral, on leur refuserait le confort que nous avons gagné après la Libération. Donc tensions géopolitiques et risques de guerre. Les pays riches pourront se payer du pétrole et les pauvres encore moins. Donc, ma foi, il faudrait un peu réfléchir à d’autres moyens de se déplacer. » | |
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