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 L'Orthodoxie vue par un russe

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G
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MessageSujet: L'Orthodoxie vue par un russe   L'Orthodoxie vue par un russe EmptyVen 10 Juin - 11:07

Dugin a écrit:
Ce qui pose le plus de problèmes pour l’assimilation des écrits d’Evola en Russie est son attitude résolument antichrétienne. Selon lui, la tradition chrétienne toute entière est l’expression de la dégradation cyclique, la racine de la décadence de l’Occident traditionnel et la « subversion » de l’esprit du Sud, de la mentalité « sémitique » projetée sur le Nord européen et aryen. C'est pour cette question qu’il y a des aspects inacceptables dans son message, dans le contexte du traditionalisme russe.

Il faut quand même distinguer ici deux aspects différents du problème.

1) D’un coté Evola connaissait surtout la forme catholique de la tradition chrétienne -- celle qui était propre à l’Occident. Ici la critique sévère d’Evola concernant le rôle du christianisme occidental dans le processus de la chute de la civilisation européenne est assez juste (quoique non sans certaines généralisations peu fondées). Plus, dans l’optique de l’Eglise Orthodoxe, et surtout dans l’optique de l’Eglise russe après la chute de Constantinople et après l’adhésion du Patriarcat de Constantinople à l’Unie catholique, on trouve souvent les mêmes motifs dans la dénonciation de « l’hérésie latine ». Le dévotionalisme, le rationalisme scolastique et le papisme du Vatican sont les objets de la critique constante de l’Orthodoxie contre le catholicisme, avec presque les mêmes conclusions concernant la responsabilité de la « déviation catholique » dans la désacralisation de l’ensemble européen qui a abouti au rejet presque total de la tradition et à l’avènement de l’ère laïque.

La tradition chrétienne orthodoxe diffère beaucoup de la tradition catholique pour les points essentiels, dogmatiques, rituels et (ce qui est plus important dans notre cas) métaphysiques. L'esprit orthodoxe est contemplatif, apophatique, hésychaste, communautaire et résolument anti-individualiste. Le but nettement déclaré de l’Orthodoxie est « la déification » de l’homme par la voie ascétique décrite dans des termes purement ésotériques et utilisant des procédés initiatiques. Cette voie de la déification est absolument autre chose que le mysticisme exotérique occidental ou l’humanisme exalté. Il s’agit de la vision traditionnelle de la réalisation métaphysique. En d’autres termes l’Orthodoxie n'est pas une religion dans le sens de Guénon (repris ensuite par Evola), parce qu’elle ne vise pas tellement « le salut de l’âme individuelle », mais la réalisation purement spirituelle et métaphysique -- donc supra-individuelle et supra-psychique. L’Orthodoxie n’est pas un exotérisme nécessitant l’existence de sociétés initiatiques extérieures pour parvenir à la réalisation spirituelle complète (l’absence historique de sociétés initiatiques hors de l’Eglise dans les pays orthodoxes en témoigne d’une manière frappante). C’est plutôt une tradition complète englobant l’ésotérisme et l’exotérisme, comme dans le cas de l’Islam. L’exemple le plus proche de cette particularité de l’Eglise Orientale peut être trouvé dans le chiisme iranien où il n'y a pas non plus de distinction nette entre les domaines ésotérique et exotérique (à ce propos voir Henry Corbin, « L’Homme de Lumière dans le Soufisme iranien »).

La différence essentielle entre la tradition catholique et la tradition orthodoxe rend la position anti-catholique et « anti-guelfe » d’Evola pleinement compréhensible et acceptable. Plus encore, certaines objections formulées par Evola contre l’insuffisance métaphysique de l’attitude de l’Eglise Occidentale aident beaucoup les orthodoxes à retrouver consciemment dans leur propre tradition ce qui manque fatalement au catholicisme.

2) L'autre aspect de ce problème consiste dans le rejet de la part d’Evola de la tradition chrétienne primordiale, dans son mépris de la nature du christianisme d’origine qu'il qualifiait toujours de « plébéien », de « sémitique », et même d’« anti-traditionnel ». Il s'inscrit définitivement dans la tradition romaine pré-chrétienne et antichrétienne en répétant dans leurs traits généraux les accusations portées contre l’Eglise par les philosophes païens et néoplatoniciens. Il a puisé certains éléments à des sources maçonniques anticléricales à travers Arturo Reghini, etc. Il tend à identifier la tradition chrétienne avec la tradition judéo-chrétienne, ce qui est exact seulement en partie et qui historiquement s’applique surtout à l’origine et à la particularité de la tradition proprement catholique, tandis que l’Eglise orientale (ou les Eglises Orientales) doit être qualifiée d’helléno-chrétienne. (Une excellente analyse de cette différence fondamentale se trouve chez des auteurs russes comme Nikolaiev « V poiskah sa Bojestvom », V. Lossky « Théologie mystique » et plus récemment chez les auteurs français Jean Bies « Voyage au mont Athos » et Michel Fromaget « Corps, âme, esprit »).

La tradition de la dévotion passive, de la recherche du salut individuel, de l’égalitarisme posthume etc., ne caractérise pas l’essence de la Tradition Chrétienne, contrairement aux affirmations d’Evola. Mais c’est un sujet trop sérieux pour être traité ici. On peut seulement constater qu’aux yeux des chrétiens orientaux cet aspect de la critique d’Evola n’est pas seulement inacceptable, mais reste peu compréhensible, parce que les motifs proprement judéo-chrétiens sont assez rares et assez marginaux dans L’Orthodoxie. L’Eglise byzantine et après sa chute l’Eglise russe ont hérité de la partie la plus sublime de la tradition hellénique en l’incorporant dans l’ensemble harmonique de la Révélation évangélique. Dans l’Eglise orientale les apôtres « gnostiques » et contre-judaïques sont spécialement vénérés -- il s’agit de Saint Paul, de l’apôtre Jean, d’André (le patron de l’Eglise Russe) etc. Au contraire, Saint Pierre ou Saint Jacob (les pôles judéo-chrétiens du christianisme d’origine) ont des rôles secondaires. L’esprit de l’Eglise orientale reste très marqué par le marcionisme ou monophysitisme implicite. Le Christ est ici surtout Pentakrator et le Tsar, le Dieu de la Deuxième Venue, terrible et omnipotent. C'est aussi l’esprit aristocratique et ascétique, actif et héroïque. Le point culminant de l’affirmation consciente de cette nature de l’Eglise Orientale fut la sanctification de Saint Grégoire de Palama, l’ésotériste chrétien éminent dont la doctrine hésychaste de la Lumière Incréée et de la déification a tant scandalisé les catholiques et aussi le secteur philocatholique de l’Orthodoxie. Ce même hésychasme est propre à la majorité des saints russes -- saint Serge de Radohej, saint Nil Sorsky etc., jusqu’aux artistes des icônes -- Andrei Roubliev récemment canonisé comme saint par le concile de l’Eglise Orthodoxe russe.

Donc par le rejet absolu du christianisme en tant que tel, Evola pose un obstacle sérieux à son assimilation par le traditionalisme russe. L'acceptation littérale de son appel au retour au paganisme donne seulement des effets ridicules à cause de l’absence totale en Russie de restes de la tradition slave préchrétienne, et les meilleures parties de cette dernière se retrouvent plus dans la particularité de la tradition orthodoxe spécifiquement russe que dans des fragments incohérents de mythes et de cultes dont le sens et la logique sont complètement oubliés.

L'adaptation de l’antichristianisme d’Evola à la réalité russe peut se produire par l'acceptation de sa critique du catholicisme, de l’esprit judéo-chrétien avec la recherche simultanée des aspects positifs -- héroïques et virils -- à l’intérieur même de la tradition orthodoxe et surtout dans le domaine ésotérique de celle-ci, dans le symbolisme des icônes, dans l’hésychasme, dans les procédés initiatiques de la déification. On peut être d’accord avec la réfutation de l’esprit « sémitique » et avec l’éloge de l’esprit « aryen » et « hellénique ». Mais en Russie tout cela est obligé de rester dans les cadres de l’Orthodoxie chrétienne, parce que telles sont les conditions historiques et celles de la « géographie sacrée » de la civilisation russe.


Dernière édition par le Ven 10 Juin - 11:15, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: L'Orthodoxie vue par un russe   L'Orthodoxie vue par un russe EmptyVen 10 Juin - 11:10

Citation :
l’absence totale en Russie de restes de la tradition slave préchrétienne

Ce qui apparemment est faux et ne semble pas empêcher le mouvement païen russe d'être bien plus significatif qu'en France par exemple ou encore en Italie.
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G
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MessageSujet: Re: L'Orthodoxie vue par un russe   L'Orthodoxie vue par un russe EmptyDim 28 Aoû - 20:17

Dugin a écrit:
Le catholicisme est un fragment du christianisme orthodoxe, parce que le fondement [de la religion chrétienne], avant la dissidence de l’Occident, était tout autant chrétien orthodoxe qu’oriental. De plus, ce fragment [catholique] est déformé et prétend à la priorité et à la complétude.

Le catholicisme est un anti-byzantisme, et le byzantisme est un christianisme complet et authentique, contenant non seulement la pureté dogmatique, mais aussi l’allégeance à la doctrine sociale et politique, à la doctrine d’Etat du christianisme. Dans ses traits les plus généraux, nous pouvons dire que la conception chrétienne orthodoxe de la symphonie des pouvoirs (vulgairement appelée « césaro-papisme ») est associée à la compréhension de la signification eschatologique de l’empire chrétien. D’où la fonction téléologique et sotériologique de l’Empereur, basée sur le second message de l’apôtre Saint Paul aux Thessalonikiens, dans lequel la question était celle de « Celui qui tient », du « katechon ». « Celui qui tient » est identifié par l’exégète chrétien orthodoxe à l’Empereur chrétien orthodoxe et à l’Empire chrétien orthodoxe.

La défection de l’Eglise d’Occident est basée sur la négation de la symphonie des pouvoirs, sur le rejet de la doctrine sociale et politique, mais en même temps eschatologique, du christianisme orthodoxe. Elle est eschatologique parce que le christianisme orthodoxe lie justement la présence de « Celui qui tient », qui empêche l’avènement du Fils de perdition ( = l’AntéChrist), à l’existence de l’Etat chrétien orthodoxe politiquement indépendant, dans lequel le pouvoir temporel (le Basileus) et le pouvoir spirituel (le Patriarche) forment une association strictement définie, déterminée par le principe de la Symphonie. En conséquence, la déviation vis-à-vis de ce paradigme byzantin symphonique signifie « apostasie », défection.

Le catholicisme, depuis le début – c’est-à-dire juste après sa défection d’avec l’Eglise unie – choisit, à la place du modèle symphonique (césaro-papiste), un autre modèle dans lequel l’autorité du pape romain s’exerçait aussi dans les domaines qui relevaient strictement de la compétence du Basileus dans le schéma symphonique. Le catholicisme brisa l’harmonie providentielle entre les domaines temporels et spirituels et, si l’on en croit la doctrine chrétienne, tomba dans l’hérésie.
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