Ferrier Administrateur


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 | Sujet: La résistance poétique arménienne au génocide Dim 25 Avr - 16:12 | |
| - Citation :
- Vahakn
Dieu des Ancêtres, me voici. Je m'approche de ton temple et, le tirant par son licou, je t'apporte un taureau(1) des vallées du Taron. Regarde mon offrande bien charnue! Dans son éclanche couleur de lait fermente la vie de la terre.
Son cou ignore la mangeoire. Il s’est nourri dans les prés libres, et ses dents n'ont été lavées que par l'eau heureuse des Monts. Quand il souffle, le Vigoureux. son muffle devant toi fait voler la terre et le sable. Toute l'odeur verte des champs. embaume fraîche à ses naseaux.
Regarde mon offrande en sa Noblesse et sa Beauté! Sur sa tête, ses cornes blondes s'enroulent en couronne de gloire. Dans son oeil terrible s'enflamment les fragrances de la Vigueur. De sa queue poilue il f ouaille ses flancs et les garde intacts de la Mouche envahissante.
Vahakn, Ô Toi, Père des Dieux de la Force ! Ô Toi dans la sentence de Tigrane soleil incarné, brûle mon âme et d’un rayon sacre mes lèvres, car voici que je baise ton autel vénéré, et qu'empoignant l’énorme masse d'un bras pieux d'immolateur je la lève haut et l'abats sur le front de mon taureau, et te fais libation du sang qui jaillit jusqu’à tes genoux. Il fume déjà, il crépite le beau feu sacré, devant Toi. Pêttille et tournoie la flamme autour des branches d'olivier, et, tout excité de la gemme que distillent les génêvriers, voici que son chant clair célèbre la mutation des Formes en Esprit.
Prends cela! Voici les flancs ensanglantés de mon offrande. Le muffle lourd. Les cuisses grasses. Le cerveau, maison des Instincts, qui inspira la folie de ses cornes. Son coeur chaud qui frémit encore. Son fiel, que je dépose sur sa jambe, pour qu'il en brûle encor, le Coléreux!
Prends! Cette flamme, qui lance haut sa couronne de fumée, monte vers Toi, vivace et claire, et transporte le taureau, morceau par morceau, pour embaumer ta demeure céleste. Ô Toi, le Tout-Puissant, agrée ces libations que je verse sur le feu avec une amphore très pure. Voici le vin: dilate to narine et hume son doux parfum! Tout envahi d'ivresse et de gaieté, réconcilie-toi aujourd'hui avec ton peuple renégat!
Voici l'huile sacrée. Je la verse devant Toi, limpide, douce, en abondance, comme l'arbre la versa de la blessure de son coeur, dans mes coupelles sept fois lavées. Accepte-la, comme le sang d'un jouvenceau candide, et la précieuse sueur des femmes en couches!
Te réjouis-tu, Ô Sublime? Je t'ai fait don de tout ce que j'avais dans ma chaumière et dans mon âme. Je t'ai donné tout ce que l'ennemi avait oublié aujourd'hui parmi les ruines de ton temple.
Comme le dernier rejeton de la race des Anciens, plein de ferveur, je m'agenouille sur la pierre de ta maison. Mes lèvres caressent la terre où le moindre fil de tes Souffles étire les racines des pins. Et, tendant vers Toi mes bras dénudés, les coudes encore ruisselants du sang de mon Taureau, Ô Toi, Vahakn, Dieu des Ancêtres, Moi, je t'invoque et Te supplie.
Pour la Force, pour le Culte de ton bras qui déchira un jour la gueule des Dragons et les étendis dans le ciel comme des semences solaires, - Ô Substances des voies lactées! -
Pour la Force moteur et envol de l'éternelle création, sous l'étreinte de qui naissent des mondes la part des fleurs, la part des flammes, pour qui, en chaque atome, en chaque Intelligence et Volonté se perpétue le Principe de vie, sous le doigt énorme de qui se fendent les graines et monte, chantante, la sève drue au front des chênes; pour cette Force emplissant les mamelles, qui nous berce en nos berceaux, qui nous conduit après la mort jusqu'aux astres et l'origine d'une nouvelle ardeur de vie et qui soulève tout un peuple comme une cohorte de lions;
Pour cette Force qui allie le feu de ton bras à nos bras et, comme un condor éclatant résumant ses vols de lumière, vient couver Héros et Génies dans la poitrine de nos Mères, pour cette Force Sainte que je dis dont tu es la source d'abondance spirituelle, tendant vers Toi mes bras rouges de sang, Vahakn, Moi, je T'invoque et Te supplie.
Taniel Varoujan (1884-1915) De son vrai nom de famille, Tcheboukkiarian, Daniel Varoujan est né au village de Perkenig près de Sébaste. Fuyant les massacres hamidiens, sa famille va s’installer à Istanbul où il devient l’élève des frères Mekhitaristes. Ces derniers l’envoient au Collège Moorad-Rafaélian de Venise et de là en 1905, à l’Université de Gand en Belgique où il suit des cours de littérature. En 1909 , il retourne à son village comme instituteur où il enseigne 3 ans. Après son mariage en 1912, il devient le directeur de l’Ecole Saint Grégoire l’Illuminateur d’Istanbul. En 1914, il fondera avec d’autres écrivains arméniens un cercle littéraire voulant se réclamer de l’ére préchrétienne et païenne. Poète de génie, Daniel Varoujan demeure le symbole de cette époque. Il sait couler la violence de sa passion dans une langue raffinée. Poète d'Éros, son poème présenté ci-dessous "Chant Païen" est d'une réalisation érotique et sensuelle digne des Mille et Une Nuits. Varoujan est aussi le chantre du peuple, dont il veut que la douleur soit sans désespoir. Les Frissons, Le Cœur de la race et la Chanson du pain sont ses chefs-d'œuvre. "Varoujan mourut attaché à un arbre, mutilé de part en part, et ses restes furent jetés aux chiens errants. Depuis Euripide, jamais à notre connaissance, poète n'avait connu une fin aussi effrayante, sinon celui dont la religion de son peuple se réclamait. Il est difficile de ne pas y penser. Le poète avait trente et un ans." (Luc-André Marcel). | |
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 | Sujet: Re: La résistance poétique arménienne au génocide Dim 25 Avr - 16:17 | |
| Old Armenian Վահագն (Vahagn)
(Eastern Armenian) IPA: [vɑˈhɑgən] (Western Armenian) IPA: [vɑˈhɑkʰən]
Վահագն վիշապաքաղ (Vahagn višapak’aġ) — Vahagn the Dragonslayer | |
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