Grâce à un scanner médical, les
chercheurs ont pu reconstituer, avec une grande précision, l'image en
3D du cerveau de Cro-Magnon.
Un moulage de l'intérieur du crâne de cet homme préhistorique, qui vivait en Dordogne il y a 28 000 ans, va être réalisé. Les milliers de pièces archéologiques déposées au Musée de l'homme sont revisitées les unes après les autres par les nouvelles technologies. Après les momies égyptiennes
passées au scanner médical , c'est le tour du crâne de l'homme de
Cro-Magnon. Plus précisément de Cro-Magnon 1 comme l'ont baptisé les
paléontologues, l'une des pièces archéologiques les plus prestigieuses
du musée parisien actuellement en cours de rénovation. Mondialement
connu, ce fossile de 28 000 ans d'âge date du paléolithique supérieur.
C'est l'un des plus anciens représentants des premiers hommes modernes
européens et de loin le mieux conservé. Le plus vieux (-40 000 ans) a
été exhumé dans la grotte de Pestera cu Oase, en Roumanie. Mais il n'en
reste que quelques fragments. Cro-Magnon 1, un solide gaillard
d'âge mûr qui mesurait 1,80 m, a été découvert en 1868 aux Eyzies
(Dordogne), lors de la construction de la voie ferrée Agen-Périgueux,
par le géologue Louis Lartet. C'est la première fois que l'on
découvrait des Homo sapiens fossiles très ressemblants aux hommes
d'aujourd'hui. Son squelette gisait dans un abri rocheux, au lieu-dit
Cro-Magnon, à côté de deux autres hommes, d'une femme et d'un enfant.
Son crâne, exceptionnellement bien conservé, ne porte qu'une petite
blessure au-dessus de l'arcade sourcilière. Il y a 28 000 ans,
on était encore en plein cœur de la dernière glaciation et les
conditions climatiques étaient rudes pour les chasseurs-cueilleurs, qui
vivaient en petits groupes. Ils côtoyaient rennes, chevaux, bisons,
rhinocéros laineux et ours des cavernes : des animaux que l'on retrouve
sur les peintures rupestres des grottes Chauvet, Cosquer ou de Lascaux. Le
crâne de Cro-Magnon 1 est si bien conservé que, paradoxalement, seule
sa surface externe osseuse a été étudiée à ce jour. Pas question en
effet de prendre le risque d'abîmer une pièce aussi précieuse.
Pierre-Paul Broca, le médecin français célèbre pour avoir localisé
l'aire cérébrale du langage qui porte aujourd'hui son nom, l'avait
lui-même examiné. Dans ce type de situation, les nouvelles technologies
d'imagerie médicale qui permettent une exploration non destructive,
constituent une véritable aubaine pour les chercheurs. Très
proche de celui de l'homme d'aujourd'hui, l'intérieur du crâne de
Cro-Magnon 1 a été scanné par l'hôpital des Quinze-Vingts. À partir de
ce document, Antoine Balzeau, chercheur au Musée de l'homme et au CNRS,
a pu reconstituer l'image en 3D du cerveau. Un travail extrêmement long
et délicat. Ce n'est pas à proprement parler l'encéphale qui apparaît
mais ce qu'on appelle dans le jargon médical l'endocrâne. L'image est
saisissante. On voit par exemple, les artères et le réseau vasculaire
nourrissant le cerveau qui court sur l'endocrâne. «On devine aussi les
différentes zones du cerveau» souligne Alain Froment, responsable
scientifique des collections du Musée de l'homme. À partir de
ces images en 3D, le Musée de l'homme a décidé de faire réaliser un
moulage de l'endocrâne de Cro-Magnon. Les paléontologues ont fait appel
à Initial, une entreprise installée près d'Annecy (Haute-Savoie) qui
réalise, à l'aide d'imprimantes 3D toutes sortes de prototypes pour
l'industrie (pièces automobiles, électroménager, équipements sportifs,
etc.). «Mouler le crâne de Cro-Magnon, ça fait plus rêver que le capot
d'une voiture», confie Yvon Gallet, directeur de cette entreprise
présente sur le marché européen et qui emploie cinquante personnes. Le
Musée de l'homme va désormais collaborer avec l'entreprise. Le
moulage devrait être présenté le 17 mars au Muséum national d'histoire
naturelle de Washington à côté du fossile de Cro-Magnon 1. «L'étude de
ce moulage va permettre d'étudier les changements de forme du cerveau
d'Homo sapiens à travers l'évolution», estime Antoine Balzeau. Il offre
aussi de nouvelles avancées en termes de muséographie.