UE vs US. L’aigle face au pygargue.
Le pygargue US, appelé à tort « aigle » américain, provoque et soumet l’aigle UE depuis maintenant plusieurs décennies. Il est accompagné de l’anaconda OTAN, chargé d’enserrer de ses anneaux l’ours russe. En clair, les Etats-Unis dominent une Union Européenne avilie et divisée, selon le vœu des conservateurs américains. Comme l’a dit l’un d’entre eux, John Hulsman, en 2002 : « Le manque d’unité européenne offre à l’Amérique une occasion unique. (…) Les Etats-Unis doivent rester engagés aux côtés d’un continent qui sera rarement tout à fait pour ou tout à fait contre les initiatives américaines en matière de politique étrangère (…). L’Amérique doit en permanence prendre note des désaccords intra-européens afin de les exploiter (…). L’Europe, telle qu’elle existe actuellement, correspond aux intérêts des Américains. Ses membres sont capables d’appuyer les Etats-Unis quand leurs intérêts coïncident avec ceux de l’Amérique, mais l’Europe est trop faible pour s’opposer facilement à l’Amérique sur des questions fondamentales de sécurité. » On ne saurait mieux définir la stratégie des USA en Europe, mais cette stratégie aurait échoué si en Europe même il n’existait un parti américain, incarné par les dirigeants des pays européens les plus importants, à l’exception notable de la Russie, avec en tête du camp atlantiste Nicolas Sarkozy et Gordon Brown.
OTAN, un outil constricteur contre la Russie.
L’image de l’anaconda à propos de l’OTAN me paraît adaptée puisqu’il s’agit d’un serpent constricteur qui étouffe sa victime de ses anneaux avant de l’avaler, et c’est bien cette stratégie qui est à l’œuvre contre la Russie de la part des autorités américaines. George Bush prétend ainsi donner des leçons de démocratie et de respect des droits de l’homme à Vladimir Poutine, et parallèlement, il s’attaque à ce grand pays européen en utilisant pour ce faire l’OTAN, création américaine, et en proposant à des gouvernements serviles d’Europe Centrale d’accueillir une base anti-missiles, officiellement destinée à contrer l’Iran mais qui en réalité est un moyen diplomatique de semer la zizanie au sein de l’Europe, et qui inquiète Moscou. Le président Poutine, et son représentant à l’OTAN Rogozine, ne sont pas dupes et rejettent avec force ce plan.
Les Etats-Unis œuvrent depuis plusieurs années dans le sens d’un élargissement de l’OTAN. La France, par l’intermédiaire de son nouveau président, ambitionne de reprendre au sein de l’OTAN la place que le général De Gaulle avait abandonnée, puisque ce dernier œuvrait pour une défense européenne indépendante des Etats-Unis et pour une réconciliation avec la Russie, alors URSS. La plupart des pays d’Europe centrale et orientale, encouragés par Washington à pratiquer une aberrante russophobie, ont pu ainsi rentrer dans l’OTAN, antichambre de l’Union Européenne. Ainsi, en 1999, Tchèques, Hongrois et Polonais ont pu adhérer à l’OTAN, rejoints en 2004 par sept autres pays, dont les trois pays baltes, la Roumanie et la Bulgarie. Prochainement, au mois d’avril 2008, trois nouveaux pays devraient adhérer, à savoir la Croatie, l’Albanie et la Macédoine. Enfin, la Géorgie rentrerait en 2010 et le Monténégro en 2012, alors que le cas ukrainien divise les membres de l’OTAN, tant le sujet est sensible aux yeux de la Russie.
La stratégie américaine est double. Il s’agit dans un premier temps d’isoler la Russie du reste de l’Europe centrale et orientale, de la rejeter en Asie, ce qui rappelle de sombres souvenirs historiques, et dans le même temps de la séparer par un glacis diplomatique de la France et de l’Allemagne. L’axe Paris-Berlin-Moscou n’est plus qu’un souvenir, car rien ne doit s’opposer à la main-mise américaine sur notre continent, et à l’écrasement de la seule puissance européenne qui s’y oppose et avec un grand courage, la Russie. L’ours russe est ainsi pris au piège, malgré sa volonté de puissance, et réagit furieusement mais sans parvenir pour autant à desserrer les anneaux de son ennemi. Il a besoin du secours des autres puissances européennes, mais celles-ci se conduisent en vassaux de l’Amérique, à l’instar du Royaume-Uni.
L’Ukraine est tiraillé entre les partisans occidentaux de l’OTAN, actuellement au pouvoir, et une population russophone franchement hostile et soutenant le frère russe. Avec les frères Kaczynski au pouvoir en Pologne, la Russie était cependant dans une situation plus problématique, et l’élection de Donald Tusk a permis aux russes de souffler un peu, même si Tusk n’a malheureusement pas renoncé à accepter sur son sol la base américaine. En effet la base anti-missile (ABM) doit être construite en Pologne et en République Tchèque, et malgré le fait qu’une majorité de citoyens de ces deux pays y soit opposée, les gouvernements en font fi et continuent de négocier avec Washington sa mise en place. Le partenariat énergétique euro-russe lui-même a été mis en stand-by pendant des mois par la faute de la Pologne et de la Lituanie.
La stratégie américaine contre l’Union Européenne.
Les « euro »-atlantistes naïfs s’imaginent que les USA sont leur allié naturel, qu’ils ne nous veulent que du bien, et qu’il serait suicidaire de se détacher d’eux, et par ailleurs injuste, puisque ce serait oublier les services qu’ils ont rendus afin de nous libérer de l’occupation nazie. Ceci étant dit, sans le courage du peuple russe, les américains auraient sans doute été rejetés à la mer. Et ne nous imaginons pas par ailleurs que les USA soient intervenus en Europe pendant la seconde guerre mondiale sans aucune arrière-pensée.
Il fut un temps où les USA, par sursaut isolationniste, auraient voulu que l’Europe occidentale organise sa défense par elle-même, à une époque où la menace soviétique avait une certaine réalité. Mais, par le rejet de la Communauté Européenne de Défense en 1954, la France en étant la principale responsable, les Européens ont perdu une chance unique de s’émanciper militairement des Etats-Unis. Aujourd’hui, alors que l’URSS n’est plus, l’OTAN a perdu sa vocation première et aurait dû naturellement s’auto-dissoudre, mais elle a été remise en avant par les Etats-Unis, de manière à neutraliser dans l’œuf toute velléité de naissance d’une Europe-Puissance digne de ce nom, dotée d’une véritable armée européenne intégrée, et qui deviendrait la première puissance mondiale devant eux. Pour empêcher son émergence, qui est inévitable, les Etats-Unis ont décidé de jouer la carte de la destruction de l’Europe, avec le consentement de ses « élites ».
La première stratégie des USA c’est d’encourager l’immigration extra-européenne en Europe et de favoriser également l’intégration de la Turquie dans l’Union Européenne, sans oublier de soutenir les conflits religieux en Europe balkanique et caucasienne. Les USA ont ainsi apporté un soutien sans faille au camp des musulmans bosniaques, à celui des kosovars albanais, et avant 2001 aux rebelles tchétchènes. La plus grande base américaine en Europe est désormais au Kosovo. Les USA soutiennent désormais le parti islamiste auto-proclamé modéré, l’AKP, en Turquie, comme le fait aussi la Commission Européenne, et tous dénoncent l’action des forces laïques, justice et armée en tête. L’AKP qui est un mouvement partisan de l’intégration dans l’UE, se sert du processus d’adhésion pour briser la résistance kémaliste.
Le raisonnement américain est ici fort simple, « diviser pour régner ». Il s’agit d’empêcher l’Europe de s’unir politiquement et en ce sens les partis souverainistes sont les meilleurs alliés, conscients ou inconscients de cette stratégie. Le mouvement souverainiste britannique UKiP est ainsi pleinement atlantiste et euro-sceptique, peu différent en ce sens du parti conservateur. Il est justifié de critiquer l’Union Européenne telle qu’elle est, mais il est criminel de vouloir la faire disparaître. Il faut réorienter l’UE vers la seule défense des intérêts de l’Europe et des Européens, ce qui implique une révolution politique, mais la construction d’une Europe politique unifiée est une absolue nécessité. Défendre l’Europe des Nations, c’est permettre aux Etats-Unis de continuer à jouer les uns contre les autres, à attiser le nationalisme polonais par exemple contre les Allemands et les Russes, à soutenir les euro-sceptiques britanniques dans leur volonté de limiter l’UE à n’être qu’un grand marché économique ouvert. Et par leur soutien aux flux migratoires, ils contribuent à diviser les sociétés européennes en leur cœur même, avec les problèmes qu’on peut constater. La multiculturalisation est une autre forme de division, tout aussi pernicieuse que la division politique de l’Europe.
Prenons l’exemple du Kosovo comme symptomatique de cette stratégie. Il ne s’agit pas de nier aux Kosovars leur européanité, et il ne s’agit pas non plus de se prononcer sur le fond du problème. Que constate-t-on ? Que les Etats-Unis soutiennent l’indépendance du Kosovo, au point où Bush est aujourd’hui en Ukraine pour convaincre le président Ioutchenko de la reconnaître. Ils ne la soutiennent pas parce qu’ils estiment que le combat des Kosovars albanais est légitime, mais simplement parce que cela favorise leur plan. En effet, seule la Russie s’oppose de manière significative à cette indépendance, par soutien à la Serbie orthodoxe, et cela permet aux USA d’élargir encore l’abîme entre Bruxelles et Moscou. Les USA ont également, on l’a vu, bâti une importante base sur ce territoire, une manière de s’implanter davantage sur notre continent, une forme de colonisation militaire pour appeler un chat un chat. Et le droit à l’indépendance que les USA reconnaissent au Kosovo, alors que cette affaire ne devrait concerner que les Européens, ils le nient à l’Abkhazie et à l’Ossétie du Sud. Pourquoi ce deux poids deux mesures ? Parce que la Géorgie est un allié de Washington, mais la russophile Serbie ne l’est pas.
Notre position.
La position de tout véritable européaniste doit être de lutter pour une Europe indépendante, libre de toute tutelle américaine, et comme l’avait compris De Gaulle, il faut soutenir la Russie, d’autant plus qu’elle est redevenue elle-même, et non sa caricature communiste, car c’est la seule puissance européenne qui résiste. Il ne s’agit pas de fermer les yeux sur la réalité russe actuelle, ou de la soutenir sur tous les sujets, mais de la soutenir quand elle est opposée à la diplomatie américaine.
Il faut que l’Union Européenne se soulève contre l’OTAN et bâtisse une armée européenne, regroupant toutes les forces du continent de l’Islande à la Russie, dans le cadre d’une véritable Europe politique, sous le contrôle d’un gouvernement européen démocratiquement élu. Il faut dénoncer le traité de l’Atlantique Nord, exiger le départ de toutes les bases et troupes américaines présentes sur le sol européen, y compris bien sûr leur base au Kosovo. Il faut mettre en place une défense européenne adaptée dans laquelle la Russie aura toute sa place, avec la mise en commun de l’armement nucléaire européen (français, britannique et russe), et si des bases anti-missiles doivent voir le jour, ce seront des bases européennes, veillant aux intérêts des seuls Européens.
Il faut en outre que l’Union Européenne s’oppose au plan américain consistant à « diviser pour régner », en affirmant son européanité à la face du monde, en combattant en son sein et les souverainistes et les mondialistes, les premiers souhaitant la division éternelle du continent, les seconds souhaitant sa dilution dans un magma planétaire. Pour que l’Europe redevienne forte, il faudra qu’elle relance sa natalité, qu’elle inverse ses flux migratoires, et qu’elle s’unisse politiquement jusqu’à ne plus former qu’une seule nation, la nation européenne, certes respectueuse des identités régionales la composant. Enfin, la nation européenne devra rompre avec l’ultra-libéralisme globalisé que les USA nous imposent de fait, et la seule méthode sera qu’elle promeut un socialisme européen, qui protégera notre économie de la concurrence déloyale chinoise et indienne, qui protégera nos travailleurs contre le chômage et les délocalisations.
Thomas FERRIER
Secrétaire Général du PSUNE