DE LA REVOLUTION EUROPEENNE
Par Thomas Ferrier
La révolution française a donné à ce terme de « révolution » ses lettres de noblesse, quoi qu’on puisse par ailleurs penser de certaines de ses dérives, et malgré les péripéties historiques, le terme a conservé une aura très positive, en dépit de l’image négative que les mouvements communistes ont pu en donner par leurs crimes.
A l’origine, la révolution appartient au vocabulaire géométrique et par analogie astronomique et est liée aux phénomènes cycliques. Ainsi une révolution est un mouvement en courbe dont le point de retour coïncide avec le point de départ. Une révolution serait donc par nature un retour à l’origine et en même temps le début d’un nouveau cycle ; cette notion est ainsi associée à l’idée de renaissance, de nouvel âge d’or.
Une révolution accomplie ne se limite pas à un changement politique brutal, voire à un coup d’état – ce qui était le sens politique qu’on lui donnait au XVIIème siècle – mais à cette idée fondamentale de renaissance. Reuolutio est renouatio. Et c’est bien le sens de la révolution de 1789, à savoir un retour aux sources, notamment vers la conception antique et républicaine des sociétés européennes, aux principes de la démocratie athénienne. Machiavel quelques siècles auparavant avait déjà fait l’éloge de la Rome ancestrale. Au fond, quand l’abbé Sieyès dans son opuscule « Qu’est-ce que le Tiers-Etat » de janvier 1789, quelques mois avant les évènements bien connus, propose un véritable plan de bataille, et ce n’est pas un hasard s’il sera l’un des rédacteurs du serment du jeu de paume, il ne se limite pas à un changement politique majeur.
La révolution apparaît comme l’ultime recours face à une situation déclinante et où les moyens d’action à l’intérieur du système en place sont verrouillés. C’est une forme de table rase juridique, politique, économique et sociale, mais qui en définitive met à jour les fondations ancestrales de la société. Ce n’est pas une reconstruction ex nihilo mais un réenracinement dans la plus longue mémoire, un retour aux sources pour fonder une nouvelle société. En 1789, le programme de Sieyès était une révolution en quatre étapes. La première est la révolution juridique, fondée sur la nécessité d’une constitution démocratique, même si au départ elle conserve la monarchie, et qui ne peut résulter que d’une action décisive lors des Etats Généraux. La révolution juridique engendre une révolution politique, et cette dernière engendre une révolution économique, sociale et enfin spirituelle. Mais 1789 fut une révolution inachevée ; elle n’a pas su libérer l’Europe de tous ses carcans, de même que la Renaissance du XVème siècle avait également échoué.
Il est évident que la révolution européenne, en premier lieu juridique et politique, répond à une situation d’impasse puisque les gouvernements ne peuvent et ne veulent pas agir, et se sont créés leurs propres chaînes. A partir de ce moment là, le système n’est plus réformable. C’est donc à une nouvelle marche en avant de l’Europe à laquelle il faut appeler nos compatriotes [européens], et cela ne peut résulter que d’un bouleversement politique majeur. Mais cette révolution ne doit être en définitive que l’achèvement des révolutions précédentes, et de manière résolument démocratique. Et quel plus bel exemple que de la placer sous l’ombre du Parthénon.
L’assemblée européenne constituante, qui doit être le fer de lance d’une révolution nationale-européenne, n’aura pas pour seule mission de créer les institutions de l’Europe-Nation de demain mais aussi de permettre au peuple européen d’être à nouveau maître de ses choix, sans être tributaire des politiques néfastes des gouvernements passés qui nous ont engagés, sans nous consulter bien évidemment, sur la voie de la mort. C’est redonner au peuple seul les clés de son destin.
Nous avons pu constater depuis de trop nombreuses années que le réel pouvoir en Europe a été confisqué au peuple par une minorité d’individus prétendument éclairés qui veulent prendre toutes les décisions à sa place et par ailleurs s’appuyant sur des sortes de textes sacrés qu’il serait inadmissible de discuter ou de remettre en cause. Mais en démocratie c’est le peuple qui doit être seul juge et nul n’a à décider pour lui. Ses représentants ne doivent pas être libres de faire comme bon leur semble, en catimini, une fois élus. C’est pourquoi les députés européens devraient être des députés avec mandat impératif, en tout cas sur certaines grandes questions devant être abordées pendant leur législature, et c’est pourquoi le recours aux referenda devait être systématisé, en tout cas sur tous les sujets cruciaux, et notamment le code de la nationalité. Notre démarche révolutionnaire doit donc reposer sur la parole rendue aux Européens en matière de lois et de constitution.
(Texte issu du bulletin interne numéro 2 reçu par les adhérents.)