Pendant la Guerre Froide, comme chacun sait, les Etats-Unis ont favorisé les islamistes (du moins la tendance wahhabite en Arabie saoudite et au Pakistan avec le paroxysme de l'armement des moudjahidin afghans) et la Chine (voyage de Nixon chez Mao) dans le cadre d'une politique agressive visant à épuiser le bloc soviétique (soutiens plus ou moins indirects à toutes les forces anti-soviétiques).
Avec la dissolution de ce bloc, on note (Balkans, Asie centrale, Caucase) toute une série de points chauds liés au revival islamique, avec trafics en tous genres et incursions de moudjahidin internationaux.
Et la Chine est en pleine ascension (boom économique, militarisation).
En somme, l'évolution du monde post-guerre froide, sur les débris de l'URSS et de la Yougoslavie n'est pas en faveur des E-U.
Ne peut-on pas penser qu'une diplomatie américaine avec un vrai sens de la stratégie (et non la tactique primaire d'un Kissinger) aurait plutôt mené un rapprochement avec la Russie (même "socialiste" mais de toute évidence intérieurement plus modérée que la Chine) ?
Au-delà de la simple politique-fiction ou uchronie, c'est un fait que Khrouchtchev (voire même Staline devant FD Roosevelt) était ouvert à une telle politique, avec même quelques concessions économiques bénéfiques pour les deux parties. L'installation des fusées à Cuba n'avait que pour seul but le retrait des fusées occidentales en Turquie. Et après la crise cubaine, Kennedy s'est effectivement rapproché de Khrouchtchev.
Nixon a mené une politique offensive hystérique par contre en soutenant la Chine contre la Russie, Carter (un temps plus conciliant) et Reagan également en soufflant sur les braises islamiques en Asie.
Alors que Brejnev, bien qu'il fut plus ferme que Khrouchtchev, n'était pas fermé au dialogue et n'avait des visées expansionnistes que dans la périphérie eurasiatique de l'URSS (Afghanistan, Indochine).
Tout ça pour dire que quitte a avoir fait une alliance pour écraser l'Axe en 41-45, autant qu'elle aboutisse à un semblant d'union durable de l'hémisphère Nord comprenant les deux géants démographiques d'origine européenne mais aussi l'Europe en reconstruction, et le Japon (+ l'Inde comme régulateur des pulsions tant islamiques que chinoises).
A quoi rime pour un américain de vouloir à tout prix une Russie affaiblie et divisée, pourquoi financer des pseudo-révolutions violemment anti-Moscou, soutenir les pillages des oligarches ?
Une telle agressivité pousse Poutine, qui s'attache à régorganiser l'Etat russe et à rétablir une influence géopolitique, dans les bras de la Chine (puissance en forme qui a su ne pas tomber dans la Perestroïka) dans un axe eurasiate (cf. manoeuvres militaires sino-russes de 2005).
La Russie n'est pas un antagonisme civilisationnel (pour l'espace occidental/atlantique) comparable à l'islam radicalisé ou l'Empire du Milieu.
Il y a quelques temps, une connaissance d'origine est-européenne n'arrivait pas à comprendre pourquoi les occidentalistes/atlantistes (du moins ceux au pouvoir) n'abandonnaient pas pour de bon le clivage Est/Ouest pour se repositionner dans le cadre Nord/Sud (donc la Russie inclue dans le Nord). Les "révolutions" de Tbilissi et Kiev étaient incompréhensibles pour lui, tant elles échappaient à ses raisonnements rationnels ("la menace est au Sud pas à l'Est").
Kissinger et Brzezinski (pour ne citer que ceux-là) ne servent pas les intérêts américains à moyen et long terme.
Buchanan et Huntington de milieux politiques plus classiques semblent avoir un point de vue plus équilibré quant à la scène internationale, les alliances, la priorité des adversaires, etc.