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 Histoire géorgienne

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MessageSujet: Histoire géorgienne   Histoire géorgienne EmptyMar 16 Mai - 13:05

Léon Trotsky dans "Staline" (1940) a écrit:
Léonid Krassine, vieux révolutionnaire aujourd’hui décédé, bon ingénieur, brillant diplomate soviétique et, par-dessus tout, homme intelligent, fût le premier, si je ne me trompe, à qualifier Staline d’« Asiatique ». Ce faisant, il songeait, non à des caractères raciaux problématiques, mais à cette combinaison d'endurance, de perspicacité, de perfidie et de cruauté que l'on considérait comme propre aux hommes politiques de l'Asie. Boukharine simplifia par la suite ce terme en traitant Staline de « Gengis-Khan », apparemment pour mieux faire ressortir une cruauté poussée jusqu'à la férocité. Staline lui-même s’est, d'ailleurs, une fois qualifié d'« Asiatique » au cours d'un entretien, qu'il eut avec un journaliste japonais, mais ce n'était déià plus au vieux sens du mot, c'était dans le sens néo-asiatique : il entendait, par cette remarque personnelle faire allusion à des intérêts communs à l'U.R.S.S. et au Japon contre l’Occident impérialiste. A considérer le qualificatif d’« Asiatique » d'un point de vue scientifique, il faut reconnaître qu'il n'est que relativement juste dans le cas qui nous occupe. Géographiquement, le Caucase et surtout la Transcaucasie sont incontestablement un prolongement de l’Asie. Mais, à la différence des Mongols-Azerbaïdjanais, les Géorgiens appartiennent à la race dite méditerranéenne, européenne. Staline manqua donc à l'exactitude quand il se qualifia lui-même d'« Asiatique ». Mais la géographie, l’ethnographie et l'anthropologie n'épuisent pas la question : l'histoire les domine.

Les montagnes et les vallées du Caucase ont retenu au passage un peu du flot humain, qui, pendant des siècles se déversa d'Asie en Europe. Des tribus et des groupes semblent s’y être figés dans leur développement, faisant du Caucase un vaste musée ethnographique. De longs siècles durant, la destinée de ces peuples demeura étroitement liée à celle de la Perse et de la Turquie; ils restèrent ainsi dans la sphère de la civilisation de l'Asie ancienne, qui réussissait à maintenir son immobilité en dépit des secousses que lui imprimaient sans cesse les guerres et les révoltes.

Etabli dans tout autre pays, moins accidenté, le petit rameau humain de Géorgie - environ deux millions et demi d'âmes aujourd'hui - se serait sans doute entièrement résorbé dans le creuset de l'histoire. Protégés par la chaîne de montagnes du Caucase, les Géorgiens ont conservé sous une forme relativement pure leur physionomie ethnique et leur langue, que la philologie hésite encore à classer. L'écriture apparaît en Géorgie dès le IV° siècle, au moment où le christianisme y pénètre, six cents ans avant qu'il ne s'étende à la Russie de Kiev. On considère que l'épanouissement de la puissance militaire, des lettres et des arts de la Géorgie se produit entre le X° et le XIII° siècle. Suivent des siècles de stagnation et de décadence. Les sanglantes incursions de Gengis-Khan et de Tamerlan, laisseront leurs traces dans le folklore épique de la Géorgie. A en croire l’infortuné Boukharine, elles en laissèrent aussi dans le caractère de Staline.

Au début du XVIII° siècle, le tsar de Géorgie, cherchant protection contre ses ennemis de toujours, Perse et Turquie, reconnaît l'autorité de Moscou. La fin immédiate est atteinte, on obtient une certaine sécurité. Le gouvernement russe construit en Géorgie les routes stratégiques qui lui sont nécessaires, modernise en partie les villes et crée un réseau rudimentaire d'écoles, surtout afin de russifier ses sujets allogènes. Mais la bureaucratie de Pétersbourg ne réussira pas à substituer en deux cents ans à la vieille barbarie asiatique une culture européenne qui fait encore grandement défaut à la Russie elle-même.

En dépit de ses richesses naturelles et d'un climat providentiel, la Géorgie restait toujours un pays pauvre et arriéré. Son régime semi-féodal reposait sur une production faible et se distinguait donc par des mœurs patriarcales asiatiques, lesquelles n'excluent nullement la cruauté asiatique. L'industrie n'existait presque pas. On cultivait la terre, on construisait les habitations à peu près comme deux mille ans auparavant. Le raisin était foulé aux pieds et le vin conservé dans de grandes jarres de terre cuite. Les villes du Caucase, habitées d'un dixième à peine de la population, demeuraient, comme celles de l'Asie, des centres administratifs, militaires, commerciaux et, à un bien moindre degré, des centres artisanaux. Au­-dessus des larges masses paysannes s'élevaient les nobles, ni riches ni cultivés pour la plupart, et ne différant quelquefois des paysans cossus que par leurs titres et leurs prétentions. On n'a pas eu tort d'appeler la Géorgie, avec sa petite « puissance »­ passée, son marasme économique présent, son soleil tutélaire, ses vignobles, son insouciance, ses multitudes d'hidalgos en détresse, l'Espagne du Caucase.

La jeune génération noble frappait à la porte des universités et, rompant avec une médiocre tradition de caste que l'on ne prenait pas trop au sérieux en Russie, se joignait aux groupements avancés des étudiants russes. Derrière les jeunes nobles venaient les paysans cossus et les petites gens brûlant du désir de faire de leurs fils des fonctionnaires, des officiers, des avocats, des prêtres. La Géorgie finissait par avoir un très grand nombre d'intellectuels, qui devaient jouer dans tous les mouvements politiques avancés et dans trois révolutions un rôle marquant, en bien des coins de la Russie.

L’écrivain allemand Rodenstedt, qui fut momentanément, en 1844, directeur d'un institut de Tiflis où se formaient les maîtres d'école, conclut que les Géorgiens sont non seulement négligents et insouciants, mais aussi moins intelligents que les autres Caucasiens; étudiants, ils seraient inférieurs aux Arméniens et aux Tartares pour ce qui est des sciences, des langues étrangères et de l'élocution. Elisée Reclus, citant cette appréciation hâtive, supposa avec raison que cette différence pouvait s'expliquer par des causes sociales et non nationales : les étudiants géorgiens venaient des campagnes arriérées, les Arméniens étaient les fils d'une bourgeoisie urbaine... Cette différence s'effaça promptement. En 1892, au temps où lossif Djougachvili faisait ses études en classe de seconde au séminaire, les Géorgiens, qui formaient environ le huitième de la population du Caucase, fournissaient le cinquième à peu près du nombre total des étudiants (Russes, plus de 50%; Arméniens, 14%; Tartares au-dessous de 3%…). Il est vrai que la langue géorgienne, qui est un des instruments les plus anciens de la culture, rend particulièrement difficile l'acquisition des langues étrangères et marque fâcheusement, la prononciation de celles-ci. Mais on ne saurait admettre que les Géorgiens manquent d'éloquence. Sous le tsarisme, ils étaient, comme les autres peuples de l’Empire, condamnés au silence. L'« européanisation » de la Russie leur permit cependant de donner au barreau, puis à la tribune parlementaire, des orateurs remarquables, même s'ils ne furent pas de tout premier plan. Iraclée Tsérételli fût sans doute le tribun le plus éloquent de la révolution de Février. Il n’est donc point besoin de recourir aux particularités nationales pour expliquer chez Staline le manque de dons oratoires. Par son type physique, aussi, ce dernier ne donne certes guère une idée heureuse, de son peuple, considéré comme l'un des plus beaux du Caucase.

On s'accorde à trouver le peuple géorgien confiant, impressionnable, exubérant et manquant en même temps d'énergie et d'esprit d'entreprise. Reclus souligne sa gaieté, sa sociabilité, sa droiture. Le caractère de Staline cadre peu avec ces qualités, qui sautent aux yeux dans les premiers contacts avec les Géorgiens. Des émigrés géorgiens de Paris ont affirmé à Boris Souvarine que la mère de lossif Djougachvili n’était pas géorgienne, mais Ossète, et qu’il avait donc dans les veines du sang mongol. Irémachvili - que nous retrouverons par la suite - affirme au contraire que la mère de Staline était une pure géorgienne, mais que son père, Ossète, était « un homme inculte et brutal, comme tous les Ossètes des hautes montagnes du Caucase. » Il serait difficile, sinon impossible, de vérifier ces allégations. Cela semble d'ailleurs, n'être guère nécessaire pour comprendre la physionomie morale de Staline. On rencontre dans les pays méditerranéens, dans les Balkans, en Italie, en Espagne, à côté des caractères dits « méridionaux » qui joignent l'indolence à l'impulsivité, des natures froides, dont le flegme se joint à la ténacité et à la perfidie. Le premier type domine, le second le complète par exception. Tout se passe comme si les composantes du caractère attribuées dans certaines proportions à chaque groupe national avaient été moins harmonieusement réparties sous les cieux du midi que sous ceux du nord. Gardons-nous toutefois de nous avancer trop loin dans le domaine périlleux de la métaphysique nationale.
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