Il est beaucoup question de la Chine depuis quelques temps, pour en dire du bien ou du mal ou tout simplement évaluer sa place dans le concert des nations et son poids actuel et à venir dans la nouvelle distribution des forces de la planète. Ce qui est sûr c’est que la Chine n’est pas une puissance négligeable et qu’elle ne laisse personne indifférent. Grande puissance du Nouveau Siècle, la Chine inquiète les Etats-Unis, interpelle l’Europe et a déjà esquissé une alliance géopolitique avec la Russie.
Plus que bien d’autres pays dans l’univers la Chine n’échappe pas aux clichés. Les militaires occidentaux et européens qui l’observent ne peuvent l’évoquer sans citation à la clef de Sun Tzu, une certaine droite ne peut en parler sans s’effrayer du sempiternel « péril jaune », une certaine gauche à la traîne des Américains sans rappeler obligatoirement Tienanmen et les droits de l’homme, enfin une campagne de presse récurrente cherche à convaincre l’opinion qu’en inondant le marché de produits à bas prix les Chinois sont un danger pour « notre économie ». Pourtant les uns et les autres sont bien contents de vendre à ce pays que l’Occident houspille et ménage à la fois car « China is too big », (Henry Kissinger) les marchandises les plus diverses. Cela va des produits de haute technologie, comme les avions de transport, à la vente du savoir faire dans le domaine viticole. Ayant hérité des capacités allemandes de brassage au temps des Concessions - à l’origine la bière Tsingtao est allemande -, les Chinois s’affairent maintenant avec les Français à la fabrication du vin. Et la modernité va de pair avec la tradition retrouvée. En Chine la moitié des téléphones mobiles en usage, un marché énorme de 500 millions d’unités sont des Nokiamalgré la production nationale de plusieurs modèles. Cet engouement pour la marque finnoise explique la présence permanente sur le tarmac de l’aéroport futuriste de Pékin d’un avion de la Finnair.
Dans le secteur de l’automobile toutes les grandes marques mondiales se bousculent sur un marché en pleine expansion, facilité par un réseau de routes et d’autoroutes ultra-moderne. Signe de réussite sociale les véhicules hauts de gamme allemands (Mercedez, BMW, Audi) et américains (Chrysler, General Motors) sont très prisés, comme ceux de toutes catégories des pays voisins, la Corée et le Japon. Le parc automobile chinois, qui se développe à une vitesse vertigineuse et comprend aussi des véhicules de fabrication chinoise a fait la part belle, ces dernières années, à Citroën qui s’est vu attribuer le quasi monopole des taxis. (Il n’est pas sûr que le choix du modèle ait été très pertinent mais ceci est une autre histoire). Les maisons de mode et fabricants de parfums de luxe comme les répliques de grands restaurants français et européens ont investi les lieux, à la satisfaction générale des masses laborieuses qui les voient tandis que le Chinois de base va faire ses courses chez Carrefour, les grands magasins chinois n’en existant pas moins, qui sont les plus achalandés d’Asie et font pièce à ceux de Tokyo et de Séoul. Enfin les principales sociétés industrielles et commerciales du monde se doivent d’avoir un bureau à Pékin ou Shangai.
A l’accusation d’envahir les pays occidentaux et européens avec leurs chemises à bas prix et leurs tongs à trois sous le ministre chinois du commerce extérieur a rétorqué que pour acheter un seul Airbus A380 il lui fallait vendre 800 millions de chemises. En réalité les clients européens sont bien contents de trouver des vêtements et toutes sortes d’objets utiles à des prix intéressants et ceux qui se plaignent de la concurrence déloyale sont les premiers à aller faire fabriquer leurs vêtements à l’extérieur par des travailleurs sous payés. On admet bien les délocalisations préjudiciables aux travailleurs européens comme aux pauvres bougres sous payés des pays « en développement » : pas de code du travail, pas de sécurité sociale, pas de syndicats de défense, rien. Alors pourquoi la Chine n’exporterait-elle pas ses produits bon marché ? Les Chinois qui produisent des marchandises à faible valeur ajoutée ont su préserver leur intérêt et taillent des croupières à leurs concurrents jusque dans les ateliers de confection qu’ils ont monté en Europe à travers leur vaillante diaspora. C’est la vraie raison d’une campagne de presse aussi injuste qu’obscène à leur encontre, le désarroi d’une concurrence battue sur son terrain traditionnel d’exploitation des travailleurs indigènes où que ce soit. La grande force des Chinois est de travailler entre eux. Et pour eux.
Quand on leur parle de pollution les Chinois rétorquent production. Ils ont beau jeu de rappeler l’absence de précaution écologique qui a caractérisé l’essor des grands pays industriels, alors que tout le monde sait qu’aujourd’hui même les Etats-Unis sont les premiers pollueurs de la planète. Leur préoccupation n’est pas non plus l’urbanisation à outrance dénoncée par certains comme un mal qui fait reculer les cultures alors qu’elle permet de loger de larges masses, ni ces brigades de travail qui partent à l’usine en chantant, cette incroyable militarisation de la force de travail qui est une force par la joie: elle permet les cadences élevées et les capacités d’exportation que l’on sait. Avoir un travail en Chine est considéré comme un privilège et explique que les Chinois soient heureux de travailler. Non la préoccupation principale des Chinois est bien de renforcer l’industrie et d’augmenter la production en respectant les règles de l’Organisation Mondiale du commerce (OMC) au sein de laquelle le pays a été admis en décembre 2001, mais sur une base de réciprocité. Les règles doivent être valables pour tout le monde. La Chine n’est pas coupable d’avoir une main d’œuvre nombreuse motivée, bon marché et de plus en qualifiée.
Pour les Chinois les Guerres de l’Opium si caractéristiques de l’hypocrisie et de l’arrogance de l’impérialisme britannique dont les Etats-Unis sont aujourd’hui aux yeux du monde les grossiers continuateurs, sont terminées depuis longtemps. Le traitement inéquitable des nations, qui était l’apanage des puissances anglo-saxonnes et occidentales, est révolu. Une telle affirmation nationale d’un pays qui vient du fond des âges pose un problème évidant à ceux qui ont programmé l’abolition des nations et le règne de substitution de l’objet et de la marchandise. Avec la Chine il est démontré que l’industrie et le commerce ne sont pas une fin en soi comme dans les pays du capitalisme libéral et du cosmopolitisme débridé mais un moyen d’ asseoir sa puissance dans le concert des nations. Renouant avec l’idée nationale - certains diront impériale - la Chine lance un pavé dévastateur dans la mare glauque du mondialisme. C’est ce qui lui est reproché.
Au dehors les Etats-Unis veulent continuer à lui interdire la vente d’ armes et de matériels sensibles, redoutant une Chine performante, industrialisée, nucléaire et spatiale susceptible de remettre en cause leur domination planétaire. C’est pourquoi Washington exerce une pression constante sur ses « alliés » pour maintenir l’embargo sur les armes à destination de Pékin sous prétexte de non respect des droits de l’homme depuis les événements photographiés de la place Tienanmen en 1989. On voulait faire croire que les Chinois aspiraient à la démocratie.
Au dedans la Chine travaille au renforcement de son armée, l’Armée Populaire de Libération (APL) et ses dirigeants s’appuient sur un outil vital sans lequel le pays risquerait de se défaire ou de sombrer dans l’anarchie, le Parti Communiste Chinois (PCC), héritier historique de la Guerre Populaire de Libération de Mao Tse Toung. En effet si l’élément chinois Han est majoritaire sur le territoire de la République Populaire de Chine, le pays n’en comporte pas moins de 53 minorités avec lesquelles il faut compter, d’autant que ces minorités vivent sur de vastes espaces peu habités comme le Xinjiang ou le Tibet. Ces espaces confèrent à la Chine une dimension continentale qu’elle perdrait si elle devait être confinée à la bande côtière la plus peuplée entre la Mongolie et l’île de Hainan. La direction politique chinoise est parfaitement au courant des plans séparatistes visant ces deux régions et aussi de ceux, moins connus, visant comme hier la Mandchourie. Avec le territoire autonome de Hong-Kong où les Britanniques ont laissé des serviteurs, ces régions sont les cibles d’une subversion occidentale du même type que celle qui a démantelé la Yougoslavie. Mais il n’est pas facile de pénétrer l’intérieur chinois et les émules de George Soros, toutes ces « associations humanitaires » et autres « charitable trusts » qui sont depuis peu dénoncées en Russie et en Biélorussie…ont le plus grand mal à y évoluer et à vendre leur salade.