11 novembre: honneur aux combattants européens

11 novembre: honneur aux combattants européens de la grande guerre.


Le 11 novembre chez les Germains était la fête des guerriers morts aux combats, les Einherjar. Elle correspond parfaitement à la fête de Saint-Martin, celui qui a converti la Gaule au christianisme selon la tradition. Mais le nom de Martin signifie aussi le "petit Mars"; ainsi la Saint-Martin dérive-t'elle tout simplement d'une fête en l'honneur du dieu romain de la guerre. Que l'armistice ait finalement eu lieu ce jour-là place l'évènement dans un cadre quasi religieux.

Quel est le bilan de cette terrible guerre qui dura quatre ans et ensanglanta l'Europe ? Le bilan humain est lourd; on estime qu'un million et demi de soldats Français ou de l'empire colonial sont morts, plus d'un million de Britanniques (parmi lesquels des Irlandais), deux millions et demi de Russes, deux millions d'Allemands et un million et demi d'Austro-hongrois. On oublie trop souvent les 750.000 Italiens, les 53.000 Belges, les 100.000 Bulgares, les 9.000 Portugais, les 380.000 Serbes (et 3.000 Monténégrains), les 336.000 Roumains et les 12.000 Grecs. En tout, plus de huit millions d'Européens ont perdu la vie et plus de 20 millions d'Européens furent blessés, parfois gravement handicapés. La Grande-Bretagne, première puissance mondiale en 1914, est désormais battue par la puissance émergente, les Etats-Unis d'Amérique [qui ont cependant perdu 125.000 soldats], puissance qui n'est intervenue qu'en 1917.
Romain Rolland, de Suisse, s'insurge en déclarant ceci: "Je trouve criminel de faire appel, pour cette guerre, à tous les Barbares de l'univers (...) Tous les peuples d'Europe appartiennent à la même famille."

Outre ce bilan humain lourd, le bilan moral est également considérable. Le patriotisme français en est durement affecté et les mécontents rejoignent le rang des pacifistes. La condition féminine s'en trouve également bouleversée. Les femmes, qui ont pris goût au travail dans les usines pendant que leurs maris étaient sous la mitraille ou sous les gaz, revendiquent désormais de nouveaux droits, certes légitimes. L'Europe de 1918 est également l'Europe des anciens combattants qui ont découvert une solidarité nouvelle dans les tranchées, un socialisme de combat en émerge, celui-ci fournissant les troupes aux fascismes émergents.

Les nations ayant dû recourir à un totalitarisme de fait pour faire accepter à des millions d'Européens un sacrifice finalement vain, la société de 1918 annonce le totalitarisme rouge ou noir. Car la guerre a amené l'effondrement de la Russie, qui va désormais connaître soixante dix ans de bolchevisme à l'issue d'une guerre civile meurtrière entre rouges et blancs; on se souvient que Lénine avait été ramené en Russie dans un train blindé allemand. 1917, la Russie devient soviétique, 1921, l'Italie devient fasciste, 1933, l'Allemagne devient nationale-socialiste. Tout cela est la conséquence de la guerre de 14. Une nouvelle boucherie s'annonce et cette fois elle affaiblira durablement l'Europe qui s'en trouvera divisée entre deux blocs, vassalisée par l'impérialisme américain ou soviétique.

En ce jour commémoratif de l'armistice du 11 novembre 1918, nous nous associons à l'ensemble des combattants européens de la grande guerre, à ceux qui sont morts, à ceux qui ont survécu, et ce quel que soit le camp auquel il ait appartenu, celui de l'Entente aussi bien que celui de l'Alliance. Ils sont morts pour leur patrie avec courage et faisons en sorte qu'ils ne soient pas morts pour rien. L'Europe d'aujourd'hui est-elle digne de ceux qui sont morts, de ceux qui se sont sacrifiés ? Je ne le crois pas. Il est temps que l'Europe se montre digne de ses grands anciens.

Et pourquoi eut lieu cette guerre ? Pour récupérer l'Alsace-Lorraine ou pour oeuvrer pour la plus grande Allemagne ? Non point mais parce que les Européens ne furent pas capables d'organiser leur continent, parce qu'ils refusèrent que chaque peuple soit respecté en tant que tel. En 1898, la Bosnie serbe est rattachée à l'Autriche-Hongrie et non à la Serbie. Cette faute historique engendra l'émergence d'un mouvement terroriste serbe, la Main Noire, mouvement qui fut responsable de l'assassinat de François-Ferdinand en 1914. Les impérialismes des grands pays européens, leurs appétits de gains territoriaux, en profitèrent pour se déchaîner dans un mécanisme fatal. L'Autriche-Hongrie soumet la Serbie à un ultimatum que celle-ci globalement accepte mais cela ne suffit pas. L'Autriche-Hongrie lui déclare la guerre, la Russie et la France soutiennent Belgrade alors que l'Allemagne soutient Vienne. La guerre éclata. Une guerre pour rien, une guerre qui s'apparente plutôt à un suicide européen et pour laquelle tous les pays d'Europe furent responsables.

Le 11 novembre doit être l'occasion d'honorer nos morts et plus que ce 9 mai qui est le lendemain du jour où l'Europe fut divisée, voilà la vraie fête de l'Europe, la fête de la réconciliation des peuples européens au sortir d'une effroyable catastrophe qui tua la fine fleur du continent. Ce 11/11/1918 nous rappelle ô combien il est nécessaire que l'Europe s'unisse politiquement, économiquement et socialement, jusqu'à ne plus faire qu'un seul peuple, un grand peuple égal de l'Inde et de la Chine, le peuple européen. Assez de divisions et de trahisons, c'est ensemble que nous triompherons.

Du haut du Valhöll, huit millions d'européens morts entre 1914 et 1918 nous regardent. Qu'ils soient fiers de nous. Et malheureusement, en 2005, je ne peux pas imaginer qu'ils le soient, vue la décadence européenne actuelle et ce dans tous les domaines. Et les évènements en France de ces deux dernières semaines nous le rappellent que trop bien.


Thomas Ferrier

Secrétaire Général du PSUNE