Chirac veut écouter «l'ensemble des Français»
(Avec AFP)
[05 octobre 2005]
Jacques Chirac a affirmé ce matin en Conseil des ministres, au lendemain de la forte mobilisation syndicale sur l'emploi et les salaires, qu'il était «absolument indispensable d'écouter l'ensemble des Français», a rapporté le porte-parole du gouvernement Jean-François Copé.
Jacques Chirac, irréductible défenseur de la cause turque Lors du sommet franco-italien, le président français a ignoré les critiques de l'UMP.
Philippe Goulliaud
[05 octobre 2005]
JACQUES CHIRAC persiste et signe. Quelques heures après le lancement des négociations, le président de la République s'est livré à un plaidoyer en faveur de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Malgré l'hostilité réaffirmée de l'UMP et les sondages qui montrent que les Français y demeurent fermement opposés.
Le chef de l'Etat tenait, hier, à l'occasion d'un sommet franco-italien, sa première conférence de presse depuis sa sortie du Val-de-Grâce, le 9 septembre. Cette rencontre annuelle entre les dirigeants français et italiens a été organisée à l'Elysée et non à Rome, les médecins ayant interdit à Jacques Chirac de prendre l'avion pendant encore quelques semaines.
Apparemment en forme, le président français n'a pas évoqué ses problèmes de santé, mais il s'est montré particulièrement offensif. Avec une cible toute trouvée, son éternel rival Valéry Giscard d'Estaing. La semaine dernière, lors de la convention UMP sur l'Europe, l'ex-président avait dressé un réquisitoire contre la politique européenne de Jacques Chirac. Sous le regard amusé de Nicolas Sarkozy. Hier matin, au micro de RTL, Giscard a renouvelé ses critiques, en reprochant à Chirac de ne pas avoir «tenu compte de l'opinion publique française» sur la Turquie.
Selon un sondage Ifop paru la semaine dernière dans l'hebdomadaire Valeurs actuelles, six Français sur dix s'opposent en effet à l'entrée de la Turquie. Mais Jacques Chirac a choisi de ne pas se faire dicter sa politique par les sondages. Pas plus que par l'UMP de Nicolas Sarkozy. Il a d'ailleurs raillé ceux qui «s'arrogent le droit de dire ce que voudront nos enfants ou nos petits-enfants» au terme des négociations, qui dureront «dix à quinze ans».
Le risque d'un basculement dans l'intégrisme
Hier, alors que Valéry Giscard d'Estaing lui a reproché de ne pas avoir su porter le message européen, «dernier grand projet politique de la France», Jacques Chirac a inscrit son soutien à Ankara dans une perspective stratégique et historique. Celle de la construction d'un vaste «espace de paix, de démocratie et de puissance», capable, demain, de rivaliser avec «les grands ensembles». «Il faut penser à l'avenir», arrêter de regarder «par le petit bout de la lorgnette», ne pas se satisfaire d'«un mouvement d'humeur un peu léger, d'une réaction épidermique», a-t-il dit. «Au nom de quoi, au nom de quelle tradition humaniste, européenne, pourrions-nous dire à des gens qui nous disent «nous voulons avoir les mêmes valeurs que vous, on ne vous veut pas» ?», s'est-il interrogé.
«Ce n'est pas l'Europe qui adhère à la Turquie, c'est la Turquie qui adhère à l'Europe», a-t-il insisté, en faisant valoir les efforts «considérables» que l'UE imposait à Ankara pour se conformer à «la totalité» des valeurs européennes. Et il a mis en garde contre le risque de voir la Turquie «basculer dans l'intégrisme», si l'Europe lui fermait sa porte. Avec tous les risques géopolitiques que cela entraînerait.
Quoi qu'il advienne, a observé Jacques Chirac, les Français «garderont la décision entre leurs mains», en se prononçant par référendum, au terme d'un processus de négociations difficile. Un processus dont il ne préjuge pas le résultat. «Est-ce que la Turquie réussira» ce parcours du combattant vers l'Europe ? «Je le souhaite, mais je n'en suis pas sûr du tout», a-t-il dit.
A ses côtés, Silvio Berlusconi a apporté un soutien appuyé à Jacques Chirac qui, selon lui, «s'est montré courageux» en se démarquant de son propre camp politique. «Il serait impardonnable de dire non à la Turquie», a déclaré le président du Conseil italien, car si on dit non à quelqu'un qui vous offre son amour «l'amour peut se transformer en haine».