La Désintégration du Système, de Giorgio Freda

:: La Désintégration du Système, de Giorgio Freda

“Je hais ce livre. Je le hais de tout mon coeur. Il m’a donné la gloire, cette pauvre chose qu’on appelle la gloire, mais il est en même temps à l’origine de toutes mes misères. Pour ce livre j’ai connu de longs mois de prison, de longues années de déportation (…). de persécutions policières aussi mesquines que cruelles. Pour ce livre, j’ai connu la trahison des amis, la mauvaise foi des ennemis, l’égoïsme et la méchanceté des hommes. C’est de ce livre qu’a pris naissance la stupide légende qui fait de moi un être cynique et cruel.”

Ces quelques lignes de Curzio Malaparte au sujet de Technique dit Coup d’Etat auraient aussi bien pu être écrites par l’auteur de La Désintégration du Système. En effet, pour avoir rédigé cette brochure qui, en une soixantaine de pages, sape à la base le Système bourgeois, Giorgio Freda a subi des années de persécutions médiatiques et judiciaires : affublé par la presse aux ordres de l’étiquette “infamante” de nazi-maoïste et accusé à tort par les autorités de l’attentat sanglant de Piazza Fontana à Milan, il a finalement été condamne à quinze ans de prison pour “association subversive", c’est-à-dire délit d’opinion.

La Désintégration du Système voit le jour en 1969. en pleine “contestation étudiante” gauchisante, sous la plume d’un jeune juriste platonicien et évolien de Padoue. Giorgio Freda qui anime alors les éditions Ar, à la pointe du combat contre l’impérialisme américano-sioniste. Convaincu de la nécessite d’une subversion radicale du monde bourgeois. Freda estime que tout doit être tenté, au moment où beaucoup de jeunes cherchent à donner un contenu révolutionnaire à la révolte étudiante, pour éviter que celle-ci ne soit récupérée par les tenants de l’orthodoxie marxiste ou du réformisme démocrate. C’est à ces jeunes que s’adresse La Désintégration, qui, loin d’être le programme du seul Freda, synthétise des exigences communes à tout un milieu national-révolutionnaire, de Giovane Europa à Lotta di Popolo.

Le ton de ce texte est résolument offensif. Disciple d’Evola, Freda est le premier à ne pas se contenter de commenter doctement les écrits du baron, mais à passer de la théorie à la pratique, à tel point que l’on peut voir dans La Désintégration la pratique politique de la théorie exposée dans Chevaucher le Tigre, le dernier essai d’Evola. Freda a d’ailleurs des mots très durs pour certains évoliens,"adorateurs d’abstractions” et “champions des témoignages conceptuels", qui ne sont à ses yeux que des chevaucheurs de tigres de papier.

Renvoyant dos à dos gauche et droite, il n’est pas plus tendre avec les “valeurs” et idoles de la société bourgeoise. Ordre pour l’ordre, sacro-sainte propriété privée, capitalisme, conformisme moral, anticommunisme viscéral et aveugle, pro-sionisme et philo-américanisme, mais aussi Dieu, prêtres, magistrats, banquiers, rien ni personne n’échappe à sa critique. Il propose une alternative au modèle marchand actuel, réaffirmant la doctrine traditionnelle de l’Etat, opposée intégralement aux “valeurs” bourgeoises, et élaborant un projet étatique cohérent, dont l’aspect le plus spectaculaire est l’organisation communiste de l’économie - un communisme Spartiate qui doit plus à Platon qu’à Marx.

Homme d’action, Freda vomit les pseudo-intellectuels évolo-guénoniens enfermés dans leur tour d’ivoire. “Pour nous, écrit-il, être fidèle à notre vision du monde -et donc de l’Etat- signifie se conformer à elle, ne rien laisser de non entrepris pour la réaliser historiquement". C’est pourquoi il manifeste clairement l’intention d’aller à la rencontre des secteurs objectivement engagés dans la négation du monde bourgeois, y compris l’ultra-gauche extra-parlementaire, prônant “la lutte unitaire contre le Système pour la subversion du Système".

“Chez un soldat politique, la pureté justifie toute dureté, le désintérêt toute ruse, tandis que le caractère impersonnel imprimé à la lutte dissout toute préoccupation moraliste". C’est sur ces fortes paroles que se clôt ce texte plus que jamais d’actualité à l’heure de la mondialisation libérale et de l’argent-roi.

Edouard Rix pour Réfléchir et Agir