Ces développements et ces exemples visaient à mettre en évidence la complexité des enjeux qui président à la décompensation psychologique de nombre d’exilés et immigrés. Le traumatisme fondamental ou premier, si on veut retenir ce terme, n’est pas celui de la perte d’un cadre cognitif d’interprétation, mais celui d’une radicale délégitimation ou d’une déréférence au sens où le propose Pierre Legendre. La perte brutale de l’assurance de sa place généalogique, ou, ce qui revient au même, la prise de conscience violente de la fragilité et de l’hétérogénéité des liens symboliques à l’origine. La traversée de la frontière, l’exil ou la migration, peuvent dans de nombreux cas mobiliser de façon accélérée les positions subjectives de celui qui s’y risque, et qui, au prix de l’angoisse, pourra inventer et créer un nouvel espace de vie et de liberté. Pour d’autres, et pour des raisons qui relèvent de leur histoire personnelle, de la signification qu’avait pour eux ce « désir d’étranger » [Voir à propos de cette notion : LAGARDE P-S (1996) Destins du futur étranger, in « Au réel de la frontière », Vol. VI du séminaire « Psychiatrie, psychothérapie et culture(s) ». Bientôt en ligne sur www.p-s-f.com. ], des mécanismes de défense se mettent en place qui semblent puiser dans l’imaginaire de la frontière et de l’exil les justifications inconscientes de clivages et de dénis particulièrement coûteux du point de vue de l’économie psychique. Si dans le premier cas, le voyage est bien analogue à un rite d’initiation ou de renaissance, dans le second, c’est au psychothérapeute d’aider le patient à faire de ce vécu traumatique l’occasion d’un nouveau départ.