Une découverte significative dans le mode d'action du virus Ebola
Des chercheurs du Scripps Research Institute
(TSRI) à La Jolla, et de l'University of California, San Diego (UCSD)
ont récemment mis en lumière un mécanisme important dans le mode
d'action du virus Ebola qui ouvre la voie au développement de
thérapies. Selon cette étude, Ebola a développé une stratégie afin de
masquer sa présence vis-à-vis du système immunitaire de l'organisme
infecté, ce qui lui permet de se propager sans être inquiété. Cette
découverte fait l'objet d'un article actuellement sous presse dans la
revue Proceedings of the National Academy of Sciences [1]. Le Scripps
Research Institute avait déjà été à l'origine de la découverte de la
voie d'entrée du virus dans la cellule hôte (voir BE Etats-Unis 134,
"Mise en évidence de la structure d'une glycoprotéine du virus Ebola"
[2]).
Avec un taux de mortalité des personnes infectées qui
atteint 50 à 90%, et la facilité des voies de transmission qu'il
utilise, Ebola est l'un des virus les plus dangereux au monde. En tant
que tel, son étude n'est possible qu'au sein de laboratoires de
catégorie P4, les plus sécurisés au monde. Il est également classé dans
la catégorie A, la plus dangereuse, des agents pathogènes utilisables
dans le cas d'attaques bioterroristes par le Center for Disease Control
and Prevention (Agence de Contrôle et de Prévention des Maladies) aux
Etats-Unis [3].
Ce virus se transmet par contact avec les
liquides biologiques d'une personne ou d'un animal infecté : salive,
sang, urine, etc. Les premiers cas remontent à 1976, au Zaïre et le
virus tire son nom de la rivière Ebola, à proximité de laquelle la
maladie a été observée pour la première fois. Le virus s'attaque aux
cellules endothéliales qui tapissent la paroi intérieure des vaisseaux
sanguins et bloque la coagulation. La dégradation du système vasculaire
provoque des fièvres et des saignements. La mort est causée par
déshydratation et hypovolémie extrêmes [4]. La période d'incubation
dure généralement de 5 à 10 jours et la mort survient entre 2 et 21
jours après l'apparition des symptômes. Plusieurs espèces de
chauve-souris ont été identifiées comme "réservoirs" pour le virus :
elles sont infectées mais ne développent pas de symptômes et favorisent
ainsi la survie et la propagation du virus. Il n'existe à ce jour ni
vaccin ni traitement efficace pour la fièvre hémorragique causée par le
virus Ebola.
L'élément clé de la détection du virus Ebola par le
système immunitaire est son matériel génétique constitué d'un ARN
double-brin: lorsqu'il est mis en contact avec certaines protéines
synthétisées par le système immunitaire, cet ARN déclenche une réponse
immunitaire complète et normale. Cependant le virus a la capacité de
masquer son ARN par le biais d'une de ses protéines, appelée VP35. Ce
que les scientifiques du TSRI ont découvert est la façon dont cette
protéine agit pour masquer l'ARN viral.
L'étude, menée en
collaboration entre le TSRI et UCSD a montré que VP35 est capable de
s'associer sous forme de dimère [5] qui se lie alors à l'extrémité de
l'ARN viral afin de le masquer. La structure du dimère de VP35 a été
résolue par cristallographie à rayons X. La particularité de cet
assemblage est que chaque sous-unité VP35 au sein du dimère se lie
d'une façon différente à l'ARN viral, montrant ainsi que la protéine
possède deux stratégies distinctes pour masquer l'ARN viral. Le mode
d'action coopératif des deux sous-unités VP35 au sein du dimère a été
mis en lumière de façon plus précise par une série d'expériences. Le
point d'ancrage entre les deux sous-unités VP35 constitue à présent une
cible thérapeutique de choix pour la mise au point d'un traitement
contre la fièvre hémorragique causée par le virus Ebola.
--
[4]
hypovolémie : réduction importante du volume de plasma sanguin dans
l'organisme provoquant une réduction dangereuse de la tension artérielle
[5] dimère : molécule formée par l'association de deux sous-unités (identiques, dans le cas présent)
[1] Ebolavirus VP35 uses a bimodal strategy to
bind dsRNA for innate immune suppression, Christopher Kimberlin,
Zachary Bornholdt, Ian Macrae, Erica Ollmann Saphire, Sheng Li and
Virgil Woods, Jr.
[2] Mise en évidence de la structure d'une glycoprotéine du virus Ebola, BE Etats-Unis 134, 19 Septembre 2006
[3] Site du CDC (en Anglais), page sur les Fièvres Hémorragiques Virales : http://emergency.cdc.gov/agent/vhf/
- Site du TSRI (en Anglais) : http://www.scripps.edu/