Dans la condamnation moderne de l’esclavage, et plus généralement dans toute forme de condamnation morale il faut y voir le rejet d’un certain type de rapport, rejet motivé rationnellement par l’émergence d’une contradiction au sein même du rapport, mais se travestissant subjectivement dans une fatwa morale ou religieuse.
En l’occurrence le fondement objectif et économique de la fin de l’esclavage antique est qu’il n’est plus rentable dans le cadre d’une économie développée ayant dépassée la simple économie de subsistance. Le maître doit en effet loger, nourrir, soigner, protéger son esclave et surtout il est obligé de s’en occuper jusqu’à sa mort, donc y compris lorsque les affres de la vieillesse l’ont rendu moins performant, voire même complètement inopérant, charge donc écrasante pour le maître. Alors que le capitaliste a simplement besoin de financer le renouvellement de la force de travail du prolétaire, il n’a pas à le loger (voir à ce sujet les travailleurs SDF de notre actualité contemporaine), il n’a pas à le soigner (diminution, voire suppression pure et simple des cotisations sociales pour la part employeur), il peut s’en défaire lorsque celui-ci n’est plus utile ou trop vieux sans avoir à en supporter la charge.
Le fait est que la condition du travailleur moderne peut s’avérer beaucoup plus précaire et instable que celle de l’esclave, et que d’ailleurs après la guerre de sécession plus d’un esclave a refusé de se laisser enrégimenter dans les usines nordistes, préférant rester sous la coupe de sa main nourricière.