Non à la départementalisation de Mayotte
Dans le numéro 61 de l’hebdomadaire Marianne du 10 janvier 2009, Guy Sitbon consacre un article à l’île de Mayotte, article intitulé « Mayotte. La France réinvente le bon vieux temps des colonies ». Sitbon est opposé au projet gouvernemental de départementalisation de Mayotte et l’exprime : « Nous devons bien nous mettre dans la tête que tous les Comoriens sont chez eux à Mayotte et que nous y sommes les étrangers. Ce qui ne nous interdit pas, loin de là, d’aller vivre à Mayotte et dans les pays africains qui nous invitent (…) mais créer un 101ème département comme on s’apprête à le faire, c’est se tromper de siècle. Le président et le Parlement seraient bien inspirés de différer le référendum du 29 mars. Car ils sont sans doute en train de faire ce qu’on appelle en bon français une belle connerie. » Il ajoute par ailleurs que l’ « on aboutit à une première observation irréfutable, population entièrement africaine. »
Mayotte ne fut conservée par la France que par décision de son gouvernement, bien que faisant partie naturellement des Comores, îles indépendantes. Il y a quelques années, l’île voisine d’Anjouan avait souhaité quitté les Comores et rejoindre la France, ce que cette dernière s’était fort heureusement gardée d’accepter. Mayotte a défrayé la chronique en raison de flux migratoires importants, Sitbon affirme que 60% des habitants sont d’origine étrangère, et en tout état de cause, 30 à 40% des habitants sont entrés illégalement sur ce territoire comme clandestins. Pour cette raison, le secrétaire d’état à l’outre-mer du dernier gouvernement Raffarin, François Baroin, avait préconisé d’appliquer à Mayotte le principe du droit du sang afin de couper l’appel d’air et d’éviter que les enfants de parents clandestins bénéficient de la nationalité française.
Or, le président Nicolas Sarkozy a décidé de proposer aux mahorais un référendum le 29 mars pour départementaliser ce territoire, pour que désormais il soit pleinement intégré à la république. On notera que le président s’est bien gardé de proposer un référendum national, et nous verrons plus loin pour quelle raison.
Si l’on s’intéresse de près aux données démographiques de Mayotte, nous apprenons qu’en 1958 l’île n’était peuplée que de 23.000 habitants, alors que cinquante ans plus tard, elle est peuplée de 187.000 habitants, soit une progression, véritablement colossale, de 700% en un demi-siècle. Selon Sitbon, 90% des habitants sont musulmans, et selon Wikipedia, ils seraient en réalité 98%. Les Français « de souche » ne sont que 1%.
Nous l’avons vu, 30 à 40% des habitants sont clandestins et 63% de la population a moins de 25 ans. La population croit de 4% par an et si la métropole a un taux de natalité d’environ 2 enfants par femme, à Mayotte, le taux de natalité en 2000 était de 6.3 enfants par femme, soit un taux comparable à celui du Tchad.
Il s’agit donc d’un pays africain que par un navrant néo-colonialisme la France a conservé dans son giron et veut formaliser cet état de fait par la départementalisation. Non seulement la départementalisation occasionnera un coût considérable pour le contribuable français mais elle constituera aussi un formidable appel d’air pour les populations comoriennes. Pour nous, socialistes européens, il va de soi que non seulement Mayotte ne doit pas devenir un département français mais que cette île doit devenir un territoire indépendant. Il convient de finir la décolonisation au lieu d’entretenir une nostalgie coupable envers l’empire colonial disparu.
Nicolas Sarkozy n’a pas voulu proposer un référendum national parce que celui-ci aurait amené des débats pertinents qui auraient dérangé le conformisme politique actuel, qui auraient surtout informé les Français de la situation là bas. Il est probable que, compte tenu de la situation démographique et migratoire de Mayotte, qui aurait alors été dévoilée à un large public, les Français se seraient opposés à cette départementalisation. Aussi le président ne leur pose simplement pas la question. Compte tenu de l’assistance économique de la France à Mayotte, le résultat ne fait malheureusement aucun doute, Mayotte deviendra le 101ème département français.
Thomas FERRIER
Secrétaire Général du PSUNE