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 Islande : la justice était privée

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MessageSujet: Islande : la justice était privée   Islande : la justice était privée EmptyMar 1 Fév - 16:58

Citation :
La saga islandaise commence avec l’implantation humaine en Islande vers l’an 870 : des norvégiens pour la plupart, ont décidé de fuir le renforcement du pouvoir monarchique du nouveau roi de Norvège " Harald aux Beaux Cheveux ". Venus sur leurs drakkars, ils tinrent une assemblée vers 930 pour se mettre d’accord sur un système juridique commun à l’ensemble de l’île. Il s’appuyait sur les traditions juridiques norvégiennes, sauf sur un point important : il n’était pas question d’avoir un roi. Le personnage central du système était le chef, ou " Godhi ", sorte de prêtre païen : il semble que dans la tradition, les premiers chefs, étaient des hommes ayant construit des temples pour leur propre usage et pour celui de leurs voisins, ils accédèrent ainsi au statut de chef local, d’ou le terme Godhi. L’apanage d’un chef s’appelait un " godhordh ". Celui ci était considéré comme une propriété privée qui pouvait se vendre, se prêter, s’hériter. Pour être chef, il suffisait de trouver un Godhi disposé à vendre son godhordh, et le lui acheter….

A ce godhordh était rattaché des règles de droits. C’est à dire que pour chaque apanage correspondait une juridiction propre comme aux Etats-Unis pour chaque état. Pour attaquer quelqu’un en justice, il fallait d’abord se demander qui était son chef pour déterminer le tribunal devant lequel déposer plainte : à chaque Godhi son godhordh et ses lois !
Chaque citoyen devait ainsi se rattacher à un chef pour pouvoir bénéficier des règles de droit.
A la différence des Etats-Unis où la juridiction a sa compétence limitée par une aire géographique, le lien entre le chef et ses " thing men " était volontaire.
Contrairement aux seigneurs féodaux, le Godhi ne pouvait pas revendiquer la terre de ses sujets, puisque le " thing man " était libre de prêter serment d’allégeance à tout autre chef prêt à l’accepter dans son clan !

Parmi les autres droits du Godhordh se trouvait le vote au corps législatif, et une participation au choix des juges, équivalent des jurés au nombre de trente six par tribunal, qui statuaient sur les procès.

L’organisation juridique comportait plusieurs niveaux, comme nos tribunaux, allant du tribunal du " Thing " aux tribunaux de " quart " (quatre juridictions recouvrant chacune un quart du pays) et le " cinquième tribunal " pour corriger les éventuelles erreurs des quatre autres.

Dans le gouvernement islandais, il y avait un employé à temps partiel : " l’homme qui parle la loi ". Elu pour trois ans, par les habitants d’un quartier choisi par tirage au sort, son travail consistait à présider le corps législatif, à apprendre les lois, à donner des conseils juridiques. Une fois au cours de son mandat, il devait réciter en entier et à haute voix le code des lois !
Cette énumération avait lieu à l’Althing, l’Assemblée annuelle des peuples de toute l’Islande, qui durait deux semaines. L’Althing se tenait aussi là où se réunissait le corps législatif, et les procès devant les tribunaux de quatrième et cinquième degrés.
A chaque réunion de l’Althing, " l’homme qui parle la loi " récitait un tiers du code des lois. Et s’il omettait quelque chose sans que personne ne s’y opposât, cette partie de la loi était éliminée !

En dehors de " l’homme qui parle la loi ", il n’existait pas d’autres employés de l’Etat…

Comment le système fonctionnait en pratique ?

Si vous intentiez un procès que vous gagniez, et si votre adversaire refusait d’obtempérer, il était déclaré hors la loi, et il disposait de quelques semaines pour quitter l’Islande. A l’expiration de ce délai vous pouviez attenter à sa vie sans conséquences pour vous au regard de la loi.
Si ses amis tentaient de le défendre, il violaient la loi et pouvaient à leur tour être poursuivis.

Le problème que l’on peut se poser est de se demander comment faire si l’adversaire était suffisamment puissant pour défier la loi avec ses soutiens et leurs talents de combativité ?
La question se pose surtout lorsqu’il avait affaire à quelqu’un de moins puissant que lui !

Le système juridique simple islandais pouvait répondre à cette question : une réclamation de dommage et intérêt pouvait être transmissible. Si la victime était trop faible pour faire valoir ses droits, elle pouvait les vendre ou les donner à quelqu’un de plus puissant. Il était dans l’intérêt de celui-ci de faire valoir les droits de la victime afin de toucher les dommages et intérêts et d’établir sa réputation pour d’éventuels conflits ultérieurs.
Dans ce système, la victime était contrainte de vendre tout ou parti de ses dommages et intérêts, mais elle obtenait en échange quelque chose de plus grand : à savoir que quiconque lui porterait préjudice devrait en supporter les conséquences. Cette protection pouvait devenir permanente, si la victime agissait de la même manière dans les mêmes circonstances : en sollicitant systématiquement un allié plus puissant que lui.

Dans nos sociétés modernes, nous disposons de deux législations : une publique, pénale, et une privée, civile. Le droit pénal est mis en œuvre avec des moyens publics et le droit civil avec des moyens privés. Ainsi, dans une affaire civile, l’avocat joue le même rôle que le procureur de la République, en tant qu’employé d’Etat. Dans l’Islande médiévale, toute la législation avait un caractère civil. C’était à la victime qu’incombait la responsabilité de faire valoir ses droits, individuellement ou avec l’aide d’autres. La victime qui transfère une partie de ses droits à un allié plus puissant, se trouve dans la même situation qu’un plaignant qui partage ses dommages et intérêts avec son avocat au lieu de lui payer ses honoraires.

Est-ce si injuste que la victime soit obligée d’abandonner tout ou partie de ses dommages et intérêts ? Ce n’est pas si sûr : en regardant notre système judiciaire , la victime d’un délit civil, doit comme l’islandais supporter les frais pour prouver le bien-fondé de sa plainte, alors que la victime d’un délit pénal n’obtiendra aucun dommage et intérêt, sauf dans le cas où elle mènera en parallèle une action civile et en payera les frais.
Nous pouvons donc considérer le système judiciaire islandais comme un régime de droit civil élargi incluant les délits pénaux.
Dans notre système pénal, le perdant ne paie pas sa peine sous forme d’argent, mais sous forme d’emprisonnement, voire d’exécution capitale. Dans le régime islandais, le règlement habituel consistait en un versement à la famille de la victime. Le paiement pour un assassinat s’appelait le wergeld : " l’homme-or ". D’après les estimations, l’importance du paiement correspondant au meurtre d’un homme ordinaire, était compris entre 12,5 et 50 années du salaire d’un homme quelconque. Ceci est un châtiment largement supérieur, à celui d’un tueur de nos jours, compte tenu de l’incertitude de sa condamnation et de sa mise en liberté conditionnelle éventuelle.

Le système islandais tenait compte aussi d’une plus grande différence entre homicide et assassinat comparé à notre système :

Si un homme était tué, la première chose à faire, pour un tueur " respectueux des lois ", était de déclarer au plus proche voisin le crime et de le prendre pour témoin. Le code norvégien précisait : " le jour où il aura commis ce crime, le meurtrier devra avouer son acte avant que sa monture ait dépassé les trois premières maisons qu’il trouvera sur sa route, sauf dans le cas où il s’agit de l’habitation de la famille de la victime, ou des ennemis du meurtrier, car alors sa vie serait en danger ".
La personne qui signale son crime est une personne qui a commis un homicide. En revanche un homme qui dissimule son forfait est un assassin. Cette distinction était tenue pour très importante, car un grand nombre de gens portaient des armes et, l’activité viking [pirate] était courante. A cette époque, l’acte d’assassiner était donc considéré comme honteux, mais pas celui de tuer..
Les deux actes avaient donc des conséquences juridiques différentes. En commettant un assassinat La possibilité de toute justification était perdue, y compris celle de la légitime défense.

Après avoir décrit l’ensemble du système islandais, nous pourrions nous demander quel était son efficacité réelle ?
Un chef puissant qui souhaitait défier la loi se trouvait confronté au transfert de plainte de la victime comme nous l’avons vu plus haut. Mais en perdant le procès, il se trouvait également en position de faiblesse. Beaucoup de ses amis pouvaient, alors lui refuser de lui accorder leur soutien.
Même s’il avait des partisans, chaque nouveau combat entraînait une nouvelle série de procès que son camp perdait. Et si une personne du camp opposé était tuée, sa famille pouvait aussi réclamer un wergeld et se joindre à la coalition formée contre ce hors-la-loi. La coalition pouvait donc s’agrandir. Le pouvoir était bien réparti, et le système pouvait bien fonctionner tant qu’aucune faction n’arrivait à s’approprier la moitié des combattants de l’ensemble de l’Islande !
Même si le système semblait pouvoir se détériorer dans une escalade, nous imagineons bien que chaque ennemi tué devait être payé sous forme d’indemnité. Et chaque victime pouvait avoir des amis ou parents qui restaient neutres si le meurtre était compensé par un wergeld approprié. Le cercle vicieux de la multiplication des procès pouvait donc être interrompu naturellement.

Les sagas islandaises qui nous sont parvenues sur cette époque, nous donnent l’impression que la principale occupation des islandais était de s’entretuer. Il semble plutôt que la principale occupation des personnages de saga ait été de se poursuivre en justice.

Le système islandais s’est effondré après 300 ans de fonctionnement. Les 50 dernières années furent décrites comme particulièrement violentes. Mais, d’après les estimations le nombre de morts s’est élevé à 350 sur une population de 70 000 habitants durant cette période. Ce qui correspond à peu près à un mort par an pour 10 000 habitants. Des chiffres qui sont tout à fait comparables au taux de mortalité sur les autoroutes, ou au taux combiné des homicides volontaires et assassinats. Ceci laisse à penser que pendant la période la plus violente de l’histoire médiévale islandaise, leur société n’était pas plus violente que la notre aujourd’hui !

Les raisons de l’effondrement du système islandais ne sont pas clairement établies.
Il semblerait que l’Islande ait été corrompue par une idéologie étrangère : la monarchie. Pendant la période finale d’effondrement, l’enjeu des procès entre coalitions n’était plus de savoir qui devait combien à qui, mais qui allait gouverner l’Islande.
Des appétits extérieurs sont aussi incriminés, notamment celui des rois norvégiens voisins, s’impliquant dans le jeu politique islandais, s’alliant avec une coalition puis une autre. Le roi de Norvège aurait pu en apportant son soutien prestigieux à un chef ou un autre tenter de les acheter pour prendre le pouvoir en son nom. Mais cela ne se produisit pas.
Cependant après 50 années de troubles, 3 " quart " des quatre " quart " islandais abandonnèrent leur liberté, et votèrent en faveur de la prise du pouvoir du roi de Norvège. Enfin, en 1263, le dernier " quart " donna lui aussi son accord.

La société politique islandaise avait vécu. Les règles de droit qui permettaient de tuer, ne sont bien évidemment pas acceptables dans nos sociétés modernes. Cependant en dehors de ces lois précises, l’organisation du système juridique et politique islandais reste un exemple de premier ordre. Il est comparable à celui d’Athènes au temps des stratèges antiques. Mais son histoire est peu connue. Elle est à méditer.

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