Invité Invité
| Sujet: La mixophobie dans la pensée gréco-latine Sam 13 Mai - 12:20 | |
| - Platon a écrit:
- La proximité de la mer, pour un pays, agrémente la vie de tous les jours, mais au fond, c’est un voisinage bien saumâtre et dissolvant ; en l’infectant de commerce et de trafic au détail, en implantant dans les âmes des moeurs instables et malhonnêtes, elle enlève à la cité la confiance amicale en elle-même et dans les autres hommes également. En compensation, il est vrai, elle a sa fertilité universelle et son aspérité l’empêchera d’avoir à la fois l’universalité et l’abondance des produits ; car si elle avait les deux réunis, les nombreuses exportations que cela permettrait l’infecteraient en retour d’une monnaie d’argent et d’or, ce qui est, on peut le dire, la pire calamité, pour une cité qui doit se faire des habitudes de justice et de noblesse.
( Lois, 705 a à c) - Cicéron a écrit:
- Les villes maritimes ont pour même caractère une sorte de dégradation et de métamorphose des mœurs : car elles se mélangent à des langues et cultures ignorées, et, non content d’importer de l’étranger des marchandises, on en importe les mœurs, de sorte que rien dans les traditions nationales ne peut demeurer intact ; de plus, ceux qui habitent ces villes n’ont pas d’attaches sédentaires, mais se laissent toujours entraîner assez loin de leur demeure sur les ailes de l’espérance et de l’imagination ; même quand ils restent physiquement, leur esprit est en exil et en errance. Et aucune circonstance n’a jadis bouleversé davantage des villes depuis longtemps ébranlées, Carthage et Corinthe, que cette errance et cette dispersion des citoyens, du fait que par passion du commerce et de la navigation ils avaient abandonné à la fois l’agriculture et l’art militaire. La mer fournit aussi en foule aux cités des tentations nocives de jouissance, qu’on trouve sur place ou qu’on importe. Et le charme de la civilisation (amoenitas) à lui seul comporte toutes les séductions du luxe ou de la paresse… A quoi bon citer les îles de Grèce ? Ceintes par les flots, elles nagent presque elles-mêmes avec les traditions et les moeurs des cités.
( République, II, 79-80) |
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Lohengrin Pérégrin
Nombre de messages : 11 Localisation : Zuid-Dietsland
| Sujet: Re: La mixophobie dans la pensée gréco-latine Mer 31 Mai - 13:16 | |
| Très intéressante, cette condamnation sans appel du négoce, de l'or et du luxe (associé à la paresse). Ces deux textes sont formidables. Tout y est.
Cicéron est d'une lucidité incroyable : la menace qu'il décrit est précisément celle qui a tué Rome.
Bel avertissement : une Europe de marchands verrait la disparition de la civilisation européenne. Le principe d'auto-suffisance voire même d'autarcie à chaque niveau d'échelle de l'Europe semble couler de source. | |
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Amalaric Citoyen
Nombre de messages : 59 Localisation : Frankland
| Sujet: Re: La mixophobie dans la pensée gréco-latine Mer 31 Mai - 13:35 | |
| On peut aussi trouver cet avertissement dans l'Edda Snorra Sturlusonar, un passage décrit la mise à mort de Gullveig (dont le nom signifie "Ivresse de l'or") par les Ases. Ceux-ci la brûlèrent trois fois et mais n'arrivèrent pas à la tuer. C'est un avertissement face à la richesse aussi traîtresse qu'amicale, un peu comme le feu et Loki. Cet enseignement n'a d'ailleurs pas été suivi par les Vikings, car la plupart de ces Rois de mer se convertirent au christianisme uniquement pour pouvoir faire du commerce avec les pays chrétiens. | |
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Stanislas Optione
Nombre de messages : 166 Localisation : Ile de France
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| Sujet: Re: La mixophobie dans la pensée gréco-latine | |
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