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 Interview d'Yves Bataille(sixième partie).

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Spartiate
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Nombre de messages : 21

Interview d'Yves Bataille(sixième partie). Empty
MessageSujet: Interview d'Yves Bataille(sixième partie).   Interview d'Yves Bataille(sixième partie). EmptyMar 15 Nov - 0:29

9. Donc il ne s’agit pas seulement de Grande Albanie, ni de démocratisation de l’espace yougoslave ? Il s’agit aussi et surtout d’une colonisation et d’une marche vers l’Est ?

Oui. Bien que les Américains investissent finalement assez peu dans la région. Par exemple en Serbie au début de l’année ils n’arrivaient qu’en septième position, loin derrière les Hollandais, les Grecs, les Autrichiens. Certes Madeleine Albright, Wesley Clarket William Walker font des affaires personnelles au Kossovo avec la téléphonie mobile ou les pneumatiques mais les autoroutes et les oléoducs construits ou en construction, accompagnés de systèmes de communication modernes s’inscrivent dans le plan plus « global » du nouveauDrang Nach Osten US ou nouvelle conquête du Far East. On évoque aussi la nouvelle Croisade menée par « proxy » (les pions régionaux et les pays européens) par l’aréopage sans frontière basé aux Etats-Unis, qui ne se reconnaît dans aucune des religions principales de la région et s’acharne à vouloir détruire le monde slave orthodoxe, de la Serbie à la Russie. Avant de s’attaquer à cette dernière il était nécessaire de balkaniser les Balkans. Clairement expliqué par Zbiniew Brzezinskidans ses deux derniers livres l’ objectif des Etats-Unis est avant tout un objectif géopolitique et militaire. Il s’agit de faire éclater la Russie pour l’empêcher de faire naître demain avec la partie Ouest de l’Europe, autour du premier axe Madrid-Paris-Berlin Moscou , la Grande Europe qui signifie pour Washington la fin du rêve de domination mondiale. Il s’agit aussi de s’emparer à bas prix des richesses de la région. Aujourd’hui, pour les ressources en pétrole et en gaz, en dehors du Proche Orient les Américains lorgnent d’autres zones où ils fomentent des conflits, le Golfe de Guinéeet la région Caspienne-Asie centrale. En matière d’énergie les Balkans n’ont d’importance que par rapport à l’acheminement des hydrocarbures mais l’on constate, pour ne prendre que le cas de la Serbie, le pillage des entreprises à rendement immédiat après un faible investissement, via les Agences de Privatisation. Le Fonds Monétaire International (FMI), qui est l’un des outils de l’asservissement des « nations émergentes » ou en « transition », exige par exemple une reforme complète du complexe pétro-chimique bombardé par les avions de l’OTAN (ou la répartition du travail). Des réformes exigées aussi pour l’Armée qui doit « réduire son format » pour entrer dans l’OTAN et doit livrer le secteur armement de Zastava aux Américains. Dans le cadre des « privatisations », le tabac dont les entreprises ont été elles aussi bombardées en 1999 est passé sous la coupe de British American Tobacco. L’eau minérale intéresse aussi les multinationales comme Pepsi Coca, dans le cadre de la bataille de l’eau à venir. De même le grand immeuble bombardé où se trouvait le siège du SPS et celui de multiples sociétés à Novi Beograd abrite des sociétés américaines. Ces derniers ont raflé la principale usine sidérurgique du pays à Smederevo, rebaptisée « US Steel ». Le parc hôtelier est bradé, vendu à des fonds d’investissements basés dans les paradis fiscaux comme Belize. Les restautants traditionnels, qui faisaient le charme de Belgrade, deviennent des fast foods et des pizzerias. Le pays est envahi par le matraquage publicitaire et la sous-culture américaine. Enfin la bataille entre Boeing et Airbus fait rage, Slobodan Milosevic ayant passé accord avec la firme européenne pour équiper la JAT, la compagnie aérienne serbe, d’Airbus tandis que le « nouveau régime démocratique » a favorisé jusqu’à présent Boeing. Enfin la quasi totalité de la presse et de la publicité est passée sous contrôle étranger. Finalement le seul moment où l’information était équilibrée et la presse libre et pluraliste l’était sous le « régime dictatorial » de Slobodan Milosevic. A partir de tous ces exemples on peut dire que la démocratie imposée, c’est le règne de l’étranger, de l’argent et des mafias. Nous en avons la preuve ici.

Mais dans l’optique des Américains « the job is not finished », la balkanisation des Balkans doit continuer. Aux Etats-Unis on s’active pour détacher le Kossovo de la Serbie. Introduite par le lobby pro-albanais de Washington dirigé par Joe DioGuardiet Tom Lantos une nouvelle résolution du Sénat pour l’ « indépendance » du Kossovo est prévue en octobre, mais on cherche aussi à réduire la Serbie à un « Pachalik » du Nord en la séparant du Monténégro et en provoquant des troubles au Sandjak de Novi Pazar pour y créer une nouvelle entité indépendante. A Novi Pazar, ami personnel du premier ministre turc Erdogan, qui lui avait ouvert une « ambassade » sur le Bosphore quand il était le maire d’Istanbul au plus fort de la guerre en Bosnie, le chef de file du mouvement séparatiste local qui se dit « bosniaque », Suleiman Ugljanin, se verrait bien comme chef d’Etat.

Au Monténégro les ONG américaines travaillent depuis longtemps à faire valoir l’option séparatiste en s’appuyant sur le premier ministre Milo Djukanovic, un trafiquant de cigarettes et protecteur de réseaux de prostitution qui a un mandat d’arrêt international sur le dos en Italie. Mais comme il sert ses maîtres anglo-saxons il est pour l’instant intouchable. Cet ancien partisan de Slobodan Milosevic l’a trahi au plus fort de l’embargo, s’enrichissant énormément et obtenant de ses soutiens qu’ils ferment les yeux sur ses crimes. Les Britanniques des S.A.S. lui ont monté une sorte de Garde Nationale panaméenne et puisqu’il est entré dans leur jeu les Américains voient dans ce « libéral démocrate » qui n’a même pas pris la peine de modifier le nom de son parti (le Parti des Socialistes démocrates) un futur président comme ils les aiment. Au mois d’août Washington a nommé un nouveau consul à Podgorica, la capitale: Arlene Ferrill vient de Peshawar au Pakistan, auparavant elle avait été responsable de la Somalie au Département d’Etat puis « political economic officer » à Dushanbe au Tadjikistan. Employée dans les zones de crises, son parcours indique qu’elle appartient à une certaine catégorie de diplomates. Comme son collègue en poste au Kossovo, Philipp Goldberg.

Le Monténégro est un bon exemple de la mauvaise foi et de la politique de duperie des Anglo-saxons. Avec les Serbes les Monténégrins forment le même peuple, ils ont la même langue et la même religion. Il n’existe pas l’ombre d’une raison de séparer le Monténégro de la Serbie. Alors, comme on ne peut plus accuser Milosevic et qu’il faut trouver quelque chose on cherche à inventer une autre langue, on pousse à une scission dans l’Eglise orthodoxe, on crée un ministère des affaires étrangères et dans les colloques de think tanks influents comme le Center for Strategic and International Studies (CSIS) de Washington l’on invite des indigènes à qui on explique que l’ « entrée dans l’Europe » [ de quoi je me mêle ?] sera plus facile et plus profitable sans la Serbie.

Dans le cadre de leur politique héritée de la méfiance thalassocratique envers l’intérieur des terres, les Anglo-Saxons ont toujours privilégié la fabrication de micro-Etats côtiers qui permet d’empêcher l’accès à la mer de la puissance terrienne. Comme les Britanniques ont entravé naguère l’accès à la mer de la Mésopotamie-Irak en créant le Koweit, et multiplié le nombre des émirats tout le long de la péninsule arabique pour protéger la route des Indes et verrouiller l’accès à l’Arabie, comme l’on a essayé et l’on essaye toujours d’achever le travail de partition du Levant en opposant artificiellement le Liban et la Syrie (des plans pour la constitution de comptoirs maronites, alaouites, druzes, sh’iites sont dans les tiroirs), comme existent d’autres plans de partition concernant le Québec qui s’est vu voler le Labrador en 1949 quand Terre Neuve est entrée dans la Confédération canadienne. Au « Grand Dérangement» en 1755 les Acadiens avaient fait les frais de la volonté britannique de verrouiller la côte atlantique, de l’Acadie à la future New York, pour couper l’Amérique française de son lien avec la Métropole. Eh bien, de la même façon, à la suite de la destruction de la Yougoslavie sous le prétexte que l’on sait, la côte orientale de l’Adriatique qui fait face à l’Italie et à ses bases US doit être morcelée, verrouillée et placée totalement sous contrôle états-unien pour protéger la route Sud-Ouest et méditerranéenne de l’Eurasie par un cordon maritime de micro-Etats insignifiants attribués à des directeurs de casinos malhonnêtes (Dalmatie, Monténégro) ou à des bandits rustiques (Albanie).

Dès lors que l’on prend conscience des motifs qui poussent à la partition et au fractionnement on comprend mieux pourquoi l’Irak, la Syrie et la Serbie - dont l’autodéfense naturelle a consisté à se doter de régimes socialistes nationauxà armature forte - ont été et/ou sont dans le collimateur des puissances atlantistes, les (in)dépendances des présidents d’opérette prenant dans cette perspective leur vrai sens. Comme prennent tout leur sens les paroles de l’américain Bruce K. Jackson au retour d’un voyage en Serbie et en Ukraine quand il affirmait il y a deux ans que la démocratie voulue par « l’Ouest » n’ était pas encore bien établie dans ces deux pays. « The man behind NATO’s makeover» (Dallas News) est l’instigateur de la vente des F 16 à la Pologne contre les intérêts européens, le véritable auteur de la lettre des « 7 de Vilnius» sur la guerre irakienne en soutien à Bush et Blair contre Chirac et Shroeder. L’avenir des relation entre le Monténégro et la Serbie s’inscrit dans ce cadre géopolitique et n’a bien entendu rien à voir avec les questions de démocratie et de droits de l’homme agitées là où il le faut. En ce moment-même en Albanie des milliers de personnes se cachent pour échapper à la vendetta locale, une vendetta parmi les plus impitoyables. A-t-on vu une campagne à ce sujet du côté des ONG comme USAID, Human Rights Watch, National Democratic Institute (NDI), International Republican Institute ou USIP du général Solomon ? Bien sûr que non. Ces ONG ne déclenchent de campagne qu’en conformité avec les intérêts américains. L’intérêt US ici est de ne rien dire. Une anecdote pour saisir le cynisme des employés de Washington, Richard Holbrooke, l’envoyé spécial de Clinton, l’un des principaux destructeurs de la Yougoslavie, expliquait en 1999 que le gouvernement albanais ne contrôlait à Tirana « que son immeuble, et encore ! ». Dans le cas albanais (comme dans celui des Etats dépourvus de sens des Balkans) c’est l’ambassade américaine qui constitue le vrai palais présidentiel. Défendre des Etats inexistants, détruire des nations, les occuper, les piller, cela s’appelle « nation building». On peut parler aussi de recolonisation .

A la question de savoir pourquoi les Américains ne cessent de parler au nom de l’Europe et de se substituer à elle dans l’aire de la « New Europe » et d’une manière moins caricaturale dans celle de la Vieille Europe, notamment pour tout ce qui concerne l’entrée en Europe de la Turquie, la Turquie telle qu’elle est c’est-à-dire un pivot de la politique américaine, le dénommé Lee Hamilton nous a donné la réponse : « nous sommes le proconsul de la région ».

Ce travail de fractionnement de l’ Europe qui provoque ce que l’on a appelé en France la « prolifération étatique » n’est pas né avec George W Bush et le démantèlement de la Yougoslavie. Dès 1942 dans le Washington Post l’ex trotskyste James Burnhamdevenu le théoricien de l’impérialisme américain, qui aujourd’hui peut être considéré comme le père des fameux « neocons », expliquait: « Dans la construction mondiale de l’avenir, telle que les Etats-Unis et l’Angleterre se la représentent, la souveraineté des petits Etats sera impossible»(…) A la lecture de ces propos on comprend mieux le jeu anglo-américain à l’Est de l’Europe et globalement dans ce que nous nommons l’ Eurasie, un jeu qui est systématiquement mené quel que soit le pouvoir en place Outre Atlantique et qui correspond à ces autres paroles de Strobe Talbot, l’ancien secrétaire d ‘Etat adjoint de Bill Clinton , prononcées en 1992 dans Time Magazine: « Au siècle prochain les nations telles que nous les connaissons seront obsolètes ; tous les Etats reconnaîtront une seule et globale autorité».(…)

Ce programme « global » ne vise pas seulement les Balkans ou les « Balkans eurasiens» (Brzezinski), il vise l’Europe dans sa totalité (Old et New), la planète et même le cosmos. Marquée depuis la diversion du 11 septembre (superproduction cinématographique Hollywood-Pentagone) et le thème lancinant de la « guerre contre la terreur » et « contre l’extrémisme » (José Bové ?) qui justifie tout, la période actuelle n’est qu’une phase de « transition » caractérisée par la nécessité de digérer les conquêtes des Nouveaux Etats Démocratiques (NED) et correspond à ce que le neocon Robert Kagan appelle « l’adaptation à l’hégémonie» pour l’intégration (la désintégration) totale à l’Empire. Mais tout cela ressemble de plus en plus à la fable de La Fontaine de la grenouille qui voulait devenir aussi grosse que le bœuf : l’Amérique ne pourra supporter longtemps ses gigantesques budgets militaires annuels – 800 milliards de dollars actuellement – et la chute de son dollar frauduleusement rivé à la production de pétrole. L’Amérique ne pourra supporter que des Etats pétroliers lui échappent. Certains de ces Etats indépendant, comme le Venezuela, font désormais leurs transactions en Euro, les Chinois par les dollars et les bons du trésor acquis tiennent l’Oncle Sam par la barbichette; on entend des craquements dans l’édifice en Amérique latine, en Irak, et en Asie Centrale où le démantèlement des bases militaires US est officiellement exigé, la Corée du Nord résiste et la Corée du Sud souhaiterait s’épouiller des GI’s, enfin on peut prédire en Eurasie, de l’Atlantique au Pacifique, le développement et l’ intensification des luttes de libération nationale contre l’impérialisme américain et ses valets. Impérialisme américain, un terme qui a disparu du vocabulaire des communistes de Washington et de la « gauche américaine», comme disait Jean Pierre Chevènement.
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