Ferrier Administrateur
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| Sujet: Turquie : la démocratie non représentative Sam 15 Oct - 9:36 | |
| - Citation :
- Turquie : la démocratie non représentative
(Polémia, édito du 12 Oct 05)
La Grèce antique a inventé la démocratie et en a pensé les problèmes. L’Europe et son surgeon américain ont édifié, depuis la grande charte jusqu’aux révolutions libérales du XIXe siècle, la démocratie représentative. Les institutions européennes construisent, sous nos yeux, à l’aube du XXIe siècle, la démocratie non représentative. Malgré le double Non français et néerlandais au référendum constitutionnel, malgré la résistance du gouvernement autrichien, malgré l’opposition claire des opinions publiques, le Conseil européen de Luxembourg a décidé, le 3 octobre 2005, d’ouvrir des négociations avec la Turquie pour permettre l’entrée d’un pays musulman et non européen dans… l’Union européenne.
Mais cette démocratie non représentative n’est pas l’œuvre, comme on pourrait le penser, de la seule commission de Bruxelles ; elle est d’abord le fait du gouvernement de chacun des 25 Etats membres car l’instance qui a pris la décision d’ouvrir la négociation avec la Turquie, c’est l’instance souveraine, le Conseil européen, c’est-à-dire le conseil réunissant les ministres des 25 Etats ; et cette décision a été adoptée à l’unanimité.
Cette distorsion entre l’établissement dirigeant et le peuple, les élites et le grand public, est ce que Huntington a qualifié de « démocratie non représentative » dans son ouvrage Qui sommes nous ?
Selon cette clé d’analyse, ceux qui décident agissent non en fonction des convictions ou des intérêts de leurs mandants mais selon la logique des forces économiques et idéologiques dominantes en faveur d’une mondialisation toujours plus poussée des échanges de marchandises et des migrations humaines. C’est ce système politique de « démocratie non représentative » qui mène aujourd’hui l’Union européenne. Et c’est ce qui explique la double méfiance des peuples vis-à-vis des institutions européennes dont le sens proprement européen leur échappe et des hommes politiques qui, en cessant de les représenter, cessent d’être légitimes.
P.S. La « démocratie non représentative » est un concept développé de manière critique par le penseur conservateur américain Samuel Huntington. On retrouve ce même concept développé à l’extrême gauche de l’échiquier politique chez Michael Hardt et Toni Negri, mais cette fois avec une connotation positive : pour ces théoriciens des « multitudes » révolutionnaires, les minorités agissantes doivent se substituer aux élus. | |
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