Faune, l'animal, dont la mère a été abattue par un chasseur, a laissé des traces dans les Pyrénées-Atlantiques. Les premières depuis quatre mois.
Hibernation réussie pour l'ourson de Cannelle
Par Sylvie BRIET
mardi 17 mai 2005 (Liberation - 06:00)
Il reste bien quatre ours dans les Pyrénées-Atlantiques : l'ourson de Cannelle a laissé, samedi, des traces fraîches dans la boue, de quoi constater qu'il a survécu à l'hiver. Sa mère était devenue célèbre le 1er novembre 2004, jour où elle fut abattue par un chasseur : elle était la dernière femelle de la souche pyrénéenne. Mais Cannelle appartenait à la même espèce que l'ours brun de Slovénie. A l'automne, ce cousin va permettre d'augmenter en France une population au nombre encore anecdotique : aux quatre présents en Pyrénées-Atlantiques s'ajoutent une dizaine vivant dans le centre et l'est du massif.
Emotionnelle. C'est donc dans la vallée d'Ossau, à 1 500 m d'altitude, que les traces de l'ourson, les premières depuis quatre mois, ont été relevées samedi par un membre du réseau de surveillance, dans un secteur que Cannelle fréquentait autrefois. Les spécialistes craignaient que l'ourson trop jeune n'ait pas acquis assez d'autonomie pour survivre à l'hibernation. Le voilà âgé de 16 mois et apparemment sauvé. «C'est une demi-surprise, note Pierre-Yves Quenette, responsable de l'équipe technique ours pour les Pyrénées à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. On savait qu'il avait ses chances, il a réussi à s'alimenter et à trouver une tanière. Depuis la sortie de l'hiver, nous prospections à la recherche de traces.» Les ours se nourrissent à 70 % de végétaux et à 30 % de viande (ovins, insectes...)
L'importance de l'ourson est surtout émotionnelle. Ce ne sont pas quatre mâles qui assureront la survie de l'espèce : ils sont en période de rut en ce moment mais n'ont pas la moindre femelle à se mettre sous la dent, la plus proche étant à 150 kilomètres de là... Trop loin pour un ours, même motivé. En effet, à l'est et dans le centre des Pyrénées, vit l'autre groupe de plantigrades, une dizaine dont quatre femelles. Leur introduction en 1996 et 1997 en provenance de Slovénie a été un succès. Aussi en janvier, le ministre de l'Ecologie a-t-il annoncé un plan consistant à doubler la population des ours sur le massif. Cinq bêtes sont attendues à l'automne.
Il s'agira essentiellement de femelles achetées à la Slovénie, 10 000 euros l'animal, sans compter les frais de transport. Chaque ours est capturé avec des pièges à lacets attiré par de la nourriture, il met la patte dans un noeud coulant , puis endormi et transporté en camion avant d'être relâché dans une zone boisée. Ce projet, qui a déjà suscité beaucoup de réactions, relève de l'homéopathie si l'on regarde ce qui se passe dans les pays voisins. Alors que la population ursine est estimée entre 14 et 18 individus en France, elle atteint près de 600 en Slovénie. En Espagne, dans les monts Cantabriques, on recense entre 90 et 120 ours.
«Primes pour tuer». Le rapport de ces pays avec l'animal n'a rien à voir avec celui qu'entretient la France, où le débat est passionnel : fantasme de citadin pour les uns, dernière chance de posséder encore une vie sauvage sur le territoire pour les autres. En Espagne, dans les Asturies, la mort de Cannelle a fait la une des journaux car elle est inimaginable dans le pays : ainsi, les battues aux sangliers sont interdites dans les zones les plus fréquentées par l'ours. «En Slovénie, l'ours a toujours été présent ; s'il fait des dégâts, c'est un élément naturel comme une averse de grêle, explique Pierre-Yves Quenette. Chez nous, la situation est plus artificielle et les plus âgés se souviennent qu'ils touchaient des primes pour tuer l'ours. Il faut se réhabituer.»
En France, chaque année, entre 120 et 200 brebis sont tuées par l'ours, sur un cheptel de 600 000 brebis dans les Pyrénées. En soi, ce chiffre est assez faible mais c'est souvent la goutte d'eau de trop pour des éleveurs confrontés à des difficultés économiques.