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 Le comte de Ségur témoin d'une civilisation perfectionnée

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Le comte de Ségur témoin d'une civilisation perfectionnée Empty
MessageSujet: Le comte de Ségur témoin d'une civilisation perfectionnée   Le comte de Ségur témoin d'une civilisation perfectionnée EmptyLun 16 Mai - 10:36

Jamais on ne vit plus de contraste dans les opinions, dans les goûts et dans les moeurs : au sein des académies, on applaudissait les maximes de la philanthropie, les diatribes contre la vaine gloire, les voeux pour la paix perpétuelle ; mais, en sortant, on s'agitait, on intriguait, on déclamait pour entraîner le gouvernement à la guerre. Chacun s'efforçait d'éclipser les autres par son luxe, à l'instant même où l'on parlait en républicain et où l'on prêchait l'égalité. Jamais il n'y eut à la Cour plus de magnificence, de vanité, et moins de pouvoir. On frondait les puissances de Versailles, et on faisait sa cour à celles de l'Encyclopédie.
Nous préférions un mot d'éloge de d'Alembert, de Diderot, à la faveur la plus signalée d'un prince. Galanterie, ambition, philosophie, tout était entremêlé et confondu : les prélats quittaient leurs diocèses pour briguer les ministères ; les abbés faisaient des vers et des contes licencieux.
Au reste, ce qu'on peut avec raison regretter de cette époque qui ne renaîtra plus, c'était, au milieu de ce conflit entre des opinions, des systèmes, des goûts et des voeux si opposés, une douceur, une tolérance dans la société, qui en faisaient le charme.
Toutes ces luttes entre les anciennes et les nouvelles doctrines ne s'exerçaient encore qu'en conversations, et ne se traîtaient que comme des théories. Le temps n'était pas arrivé où leur pratique et leur action devaient répandre parmi nous la discorde et la haine. Jours heureux où les opinions n'influaient pas sur les sentiments, et où l'on savait aimer toujours ceux qui ne pensaient pas comme nous !
On trouvait alors à l'hôtel de La Rochefoucault, chez d'Alembert, chez Mme Geoffrin, les littérateurs, les philosophes les plus distingués, et cet esprit de liberté qui devait changer la face du monde en l'éclairant, et malheureusement aussi ébranler toutes ses bases en voulant lui en donner des nouvelles.
Dans les réunions qui avaient lieu chez Mmes la maréchale de Luxembourg, de La Vallière, à l'hôtel de Choiseul, on revoyait tout ce que le règne de Louis XV avait offert de personnages marquants par leur rang, par leur urbanité, par leur galanterie. Chez Mme du Deffand, on était certain de rencontrer les étrangers les plus célèbres, attirés par la curiosité de connaître cette France ancienne et nouvelle, que chez eux ils dénigraient avec pesanteur, et accusaient de frivolité, mais qui, dans tous les temps, fut, est et sera de leur jalousie.
Quoique bien jeune, porté naturellement à la réflexion, je me convainquis bientôt, dans ces écoles brillantes de civilisation, des causes qui donnaient en Europe des avantages presque universels à nos politiques et à nos littérateurs sur ceux des autres pays, en en exceptant l'Angleterre qui nous dispute cette prééminence.
Ces causes sont les mêmes que celles qui donnent aux historiens de l'Antiquité une supériorité évidente sur la plupart des historiens modernes. En effet, pour traîter avec les hommes et pour les peindre, il faut les étudier, les connaître, et cette connaissance profonde ne peut d'acquérir qu'au milieu d'une civilisation perfectionnée, et dans une position où la pratique du monde substitue la réalité aux apparences et l'expérience aux systèmes.

Ségur, Mémoires ou Souvenirs et anecdotes, Paris, 1826
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Nombre de messages : 313

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MessageSujet: Re: Le comte de Ségur témoin d'une civilisation perfectionné   Le comte de Ségur témoin d'une civilisation perfectionnée EmptyLun 16 Mai - 18:16

chevalier teutonique a écrit:
Jamais on ne vit plus de contraste dans les opinions, dans les goûts et dans les moeurs : au sein des académies, on applaudissait les maximes de la philanthropie, les diatribes contre la vaine gloire, les voeux pour la paix perpétuelle ; mais, en sortant, on s'agitait, on intriguait, on déclamait pour entraîner le gouvernement à la guerre. Chacun s'efforçait d'éclipser les autres par son luxe, à l'instant même où l'on parlait en républicain et où l'on prêchait l'égalité. Jamais il n'y eut à la Cour plus de magnificence, de vanité, et moins de pouvoir. On frondait les puissances de Versailles, et on faisait sa cour à celles de l'Encyclopédie.
Nous préférions un mot d'éloge de d'Alembert, de Diderot, à la faveur la plus signalée d'un prince. Galanterie, ambition, philosophie, tout était entremêlé et confondu : les prélats quittaient leurs diocèses pour briguer les ministères ; les abbés faisaient des vers et des contes licencieux.
Au reste, ce qu'on peut avec raison regretter de cette époque qui ne renaîtra plus, c'était, au milieu de ce conflit entre des opinions, des systèmes, des goûts et des voeux si opposés, une douceur, une tolérance dans la société, qui en faisaient le charme.
Toutes ces luttes entre les anciennes et les nouvelles doctrines ne s'exerçaient encore qu'en conversations, et ne se traîtaient que comme des théories. Le temps n'était pas arrivé où leur pratique et leur action devaient répandre parmi nous la discorde et la haine. Jours heureux où les opinions n'influaient pas sur les sentiments, et où l'on savait aimer toujours ceux qui ne pensaient pas comme nous !
On trouvait alors à l'hôtel de La Rochefoucault, chez d'Alembert, chez Mme Geoffrin, les littérateurs, les philosophes les plus distingués, et cet esprit de liberté qui devait changer la face du monde en l'éclairant, et malheureusement aussi ébranler toutes ses bases en voulant lui en donner des nouvelles.
Dans les réunions qui avaient lieu chez Mmes la maréchale de Luxembourg, de La Vallière, à l'hôtel de Choiseul, on revoyait tout ce que le règne de Louis XV avait offert de personnages marquants par leur rang, par leur urbanité, par leur galanterie. Chez Mme du Deffand, on était certain de rencontrer les étrangers les plus célèbres, attirés par la curiosité de connaître cette France ancienne et nouvelle, que chez eux ils dénigraient avec pesanteur, et accusaient de frivolité, mais qui, dans tous les temps, fut, est et sera de leur jalousie.
Quoique bien jeune, porté naturellement à la réflexion, je me convainquis bientôt, dans ces écoles brillantes de civilisation, des causes qui donnaient en Europe des avantages presque universels à nos politiques et à nos littérateurs sur ceux des autres pays, en en exceptant l'Angleterre qui nous dispute cette prééminence.
Ces causes sont les mêmes que celles qui donnent aux historiens de l'Antiquité une supériorité évidente sur la plupart des historiens modernes. En effet, pour traîter avec les hommes et pour les peindre, il faut les étudier, les connaître, et cette connaissance profonde ne peut d'acquérir qu'au milieu d'une civilisation perfectionnée, et dans une position où la pratique du monde substitue la réalité aux apparences et l'expérience aux systèmes.

Ségur, Mémoires ou Souvenirs et anecdotes, Paris, 1826

Chevalier, merci pour ce texte que je ne connaissais pas et que je recopie précieusement. Pour ce qui est du début, souvenons-nous de ce raccourci saisissant que fut le spectacle de la noblesse applaudissant à tout rompre aux pièces de Beaumarchais...
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